mercredi 22 octobre 2025

"Irina, un opéra russe" d'Anouar Benmalek: "Eminemment dense en émotions littéraires", En attendant Nadeau, Oct 2025






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Journal de la littérature, des idées et des arts 22/10 

En attendant Nadeau




                        Un vertige russe
par Faris Lounis
21 octobre 2025



Anouar Benmalek | Irina, un opéra russe. Emmanuelle Collas, 484 p., 22,90 €


C’est le récit d’un renoncement. Le renoncement au chant lyrique, aux aspirations de la jeunesse, à l’engagement d’une vie. Ce jour-là, Irina Rostova, une soprano promise à un avenir radieux au théâtre Mariinsky, se heurte au présent d’un scandale encore toujours occulté dans son pays : la famine exterminatrice infligée par Staline au peuple kazakh durant les années 1930 : « l’Asharshylyk ».


Membre d’une délégation officielle, la jeune Russe donne un spectacle à Alma-Ata, la capitale du Kazakhstan, dans les années 1990. Soudain, une femme surgit du public et lui balance « à plusieurs reprises un seau d’eau coloré en rouge en mémoire de [son] ancêtre assassiné ». Elle porte le deuil de cet homme froidement assassiné, et « le prénom de son arrière-grand-mère, celle dont la voix était si belle qu’on l’avait surnommée le rossignol – Bibigul ».

Tout a vacillé dans la vie d’Irina durant cette soirée. L’homme qui incarne à ses yeux la droiture et la vertu, son grand-père, Vladimir Alexievitch, un ancien agent du NKVD (un « agronome », selon le Parti !), est en réalité l’ « exécuteur docile de la famine voulue par Staline », et le cynique meurtrier de l’arrière-grand-père de Bibigul Sartbaïeva. Après son agression au théâtre kazakh, l’histoire « avait tourné au vinaigre pour elle, car on l’avait rapidement soupçonnée de complicité avec les terroristes ». Elle sera définitivement exclue du Mariinsky. Et c’est durant cette année qu’elle décide de quitter Saint-Pétersbourg pour Ekaterinbourg, « certainement pour se faire oublier », avant de déménager à Oulan-Oudé, un bled perdu de Bouriatie, pas très loin de la frontière chinoise.

Cet exil de l’espace de l’opéra lyrique, Irina tente de le colmater en enseignant la musique et le chant dans des écoles pour gagner sa vie. Mais la souffrance demeure, terrible. Une plaie que même la répétition des « principaux opéras du répertoire du Mariinsky, dont le Lady Macbeth de Mzensk » ne soignera jamais. C’est une fatalité qui a fini par habiter l’esprit de la cantatrice pétersbourgeoise. Et de son parcours, elle ne cessera de dire : « Bibigul m’a maudite dans la lettre qu’elle a laissée avant de se tuer. Alors, j’ai décidé de punir mon grand-père en me punissant. Vladimir avait voulu que je sois cantatrice, j’ai résolu que je ne le serais plus ».

Radicale ou non, Irina semble être convaincue d’avoir agi avec justesse face à son échec au Kazakhstan, le surgissement des décombres de l’histoire à travers les cris enragés de Bibigul, celle qui répétait d’une voix éclaircie : « le héros, c’était mon arrière-grand-père, Apaq fils de Sabir, et le fanatique, votre salopard de grand-père ».

Loin des terres asiatiques de la Russie, Walid, universitaire et écrivain algérien installé en France, rumine une autre défaite : Irina « a été le plus grand échec amoureux de sa vie ». Quarante ans de séparation, une longue attente vertigineuse, un goût de bile dans la bouche se mêle aux rêves du visage aimé. Le cœur rongé par la colère, les chimères sont ses berceuses, une certaine manière de persévérer dans la quête d’espoir. Parfois, cet ancien étudiant algérien en URSS qui préparait une thèse sur Napoléon en Égypte, se persuade de l’idée contraire, Rostova n’était pas l’échec de son existence tourmentée. « Une des petites voix qui font parfois régner le chaos dans sa tête proteste : Elle est aussi ta plus grande réussite, vieil oublieux, si tu mesures en unités d’émerveillement les deux années que tu as passées avec ton Irina ! »Théâtre Mariinsky (2022) © CC BY-SA 4.0/Voltmetro/WikiCommons

Walid n’a plus revu Saint-Pétersbourg depuis sa quasi-expulsion en 1980. Au foyer des étudiants de son institut, un fonctionnaire du service des étrangers lui enjoint de déguerpir au plus vite du territoire de l’Union. Son autorisation officielle de séjour a expiré depuis au moins deux mois. « Nous n’aimons pas les étrangers qui ne respectent pas nos lois, lance-t-il d’un ton menaçant. Et nous avons appris d’expérience que, d’étranger irrespectueux à espion malfaisant, la distance n’est pas très grande. Un conseil, ne sous-estimez jamais nos capacités de vigilance : si l’Algérie, le pays dont vous êtes citoyen, est un pays ami de l’URSS, cela n’implique pas que vous, vous le soyez ! » Il aura passé deux ans avec cette femme pour laquelle il se disait « prêt à mourir ». Les images, les sons, les parfums et la poésie de ce moment hors du temps continuent de remuer sa mémoire. La scène de leur rencontre devant le musée de l’Ermitage, à Leningrad, est ineffaçable.

Dans la France du mois de février 2002, il est enfin capable de réciter par cœur et en russe un texte de Pouchkine que tous les Russes apprennent à l’école et que les plus illustres sopranos du monde se disputent l’honneur de chanter dans l’opéra, la « fameuse lettre de Tatiana à l’aristocrate dédaigneux, Eugène Onéguine, dont elle venait de tomber éperdument amoureuse : Je vous écris – que vous faut-il de plus ? / Que puis-je ajouter à cela ? / Maintenant, je le sais, il est en votre pouvoir / De me punir par votre mépris ! ». Avec un certain détachement, il feuillette les épreuves de son dernier roman de cinq cents pages, une exploration fictionnelle de l’Algérie durant la guerre fratricide des années 1990. Que va-t-il faire ? Va-t-il reprendre la route vers Saint-Pétersbourg ?

Se souvenant du policier qui, durant les émeutes de 1988, alors qu’il était enseignant à l’université d’Alger, lui donna une gifle tout en lui disant sarcastiquement que « l’espérance est la mère des imbéciles », Walid espère retrouver Irina dans son exil sibérien, l’embrasser et la revoir chanter, replonger à nouveau dans la fièvre envoûtante de son lyrisme débordant. Homme sans Dieu, renégat vis-à-vis de la supposée bonté du monde, il décide de retourner au territoire de l’amertume en emportant dans ses bagage un haïku russe ou persan qu’Irina avait découvert « du temps glorieux de leur amour » : « La vie toute simple, la vie toute vaine – puisqu’on vieillit, puisqu’on meurt ».

Agréablement riche en références historiques et éminemment dense en émotions littéraires, Irina, un opéra russe est l’un des rares romans qui donnent à voir la Russie soviétique par le biais du regard d’un ancien boursier algérien. Loin de se limiter à l’amour empêché entre Walid et Irina, Anouar Benmalek, enseignant-chercheur dans une université parisienne, membre fondateur, après les révoltes d’octobre 1988, du Comité algérien contre la torture, fin connaisseur de la langue et du monde russe (il a passé cinq ans dans l’ancienne URSS entre Kiev, Odessa, Moscou et Leningrad à préparer une thèse de doctorat en mathématiques), complexifie, comme dans ses précédentes publications dont on peut citer L’enfant du peuple ancien (Pauvert/Casbah, 2000) ou L’amour au temps des scélérats (Emmanuelle Collas/Casbah, 2021), son exploration romanesque des géographies et des formes de la violence. Dans cette nouvelle œuvre, deux questions fondamentales interpellent notre époque fortement marquée par les sidérations des entreprises annihilatrices et génocidaires : jusqu’à quel point mener le consentement à l’euphémisation et à la négation des crimes de masse ? Et quelles réceptions possibles pour une œuvre artistique quand se rencontrent, dans un contexte asymétrique, les descendants des victimes et des bourreaux ?



Deux forts passages du roman peuvent nous orienter pour mieux penser, nommer et représenter les barbaries qui se multiplient en Palestine, en Syrie, au Soudan, en Ukraine et dans bien d’autres régions du monde soustraites au droit international, à tout repère d’humanité commune.

Le premier est l’affirmation tonitruante de l’officier russe expliquant, lors d’un « entretien ‘‘amical’’ en situation d’ébriété », à Vladimir les rudiments du langage totalitaire – c’est-à-dire ne jamais faire correspondre les mots et les choses – tout en l’avertissant que sa langue ne doit jamais fourcher sur les atrocités qu’il a commises au Kazakhstan : « il n’y a jamais eu de famine au Kazakhstan, et encore moins de morts dus à une famine imaginaire dans cette République ! Prétendre le contraire, c’est travailler pour le compte des ennemis de notre pays ! […]. Tout, même le pire, finit nécessairement par être oublié, il suffit de ne pas en parler ». Les mutilations du réel ne doivent pas être dicibles.

Le second est un dialogue poignant qui illustre puissamment la quasi-impossibilité du pardon et du dépassement des taches noires de l’histoire tant que l’État meurtrier n’aura pas reconnu officiellement l’élimination intentionnelle de plus d’un million d’innocents : « – Je sais bien que vous n’êtes pour rien, Irina Rostova, dans le malheur qui a frappé mon peuple, mais je ne peux m’empêcher de vous en vouloir. Votre grand-père a tué les miens, mais il s’est apparemment bien occupé de vous puisque vous êtes devenue ce que vous êtes. Je suis sûr qu’il vous aimait, qu’il avait le cœur bon pour vous. Alors, il faut bien qu’il y ait quelque part une victime expiatoire pour racheter notre chagrin ». L’échange est empreint d’une grande gravité, et, sans se serrer la main, les deux personnages se quittent en silence, les yeux humides.



https://www.en-attendant-nadeau.fr/2025/10/21/irina-un-vertige-russe/


mardi 14 octobre 2025

"Irina, un opéra russe", sur Radio Orient avec François-Xavier De Calonne

                                𝐑𝐚𝐝𝐢𝐨 𝐎𝐫𝐢𝐞𝐧𝐭

𝐅𝐫𝐚𝐧𝐜̧𝐨𝐢𝐬-𝐗𝐚𝐯𝐢𝐞𝐫 𝐃𝐞 𝐂𝐚𝐥𝐨𝐧𝐧𝐞
𝐔𝐍 𝐎𝐔𝐕𝐑𝐀𝐆𝐄, 𝐔𝐍 𝐄𝐂𝐋𝐀𝐈𝐑𝐀𝐆𝐄 (Audio)

𝐀𝐧𝐨𝐮𝐚𝐫 𝐁𝐞𝐧𝐦𝐚𝐥𝐞𝐤 : 𝐮𝐧 𝐫𝐨𝐦𝐚𝐧 𝐬𝐮𝐬𝐩𝐞𝐧𝐝𝐮
𝐚𝐮𝐱 𝐩𝐨𝐫𝐭𝐞𝐬 𝐝𝐞 𝐥𝐚 𝐠𝐮𝐞𝐫𝐫𝐞

𝑹𝒐𝒎𝒂𝒏𝒄𝒊𝒆𝒓 𝒓𝒆𝒄𝒐𝒏𝒏𝒖, 𝑨𝒏𝒐𝒖𝒂𝒓 𝑩𝒆𝒏𝒎𝒂𝒍𝒆𝒌 𝒓𝒆𝒗𝒊𝒆𝒏𝒕 𝒔𝒖𝒓
𝒍𝒂 𝒈𝒆𝒏𝒆̀𝒔𝒆 𝒅𝒆 "𝑰𝒓𝒊𝒏𝒂, 𝒖𝒏 𝒐𝒑𝒆́𝒓𝒂 𝒓𝒖𝒔𝒔𝒆" (𝒆́𝒅. 𝑬𝒎𝒎𝒂𝒏𝒖𝒆𝒍𝒍𝒆 𝑪𝒐𝒍𝒂𝒔).
𝑫𝒂𝒏𝒔 𝒄𝒆𝒕 𝒆𝒏𝒕𝒓𝒆𝒕𝒊𝒆𝒏, 𝒊𝒍 𝒓𝒂𝒄𝒐𝒏𝒕𝒆 𝒄𝒐𝒎𝒎𝒆𝒏𝒕 𝒍𝒂 𝒈𝒖𝒆𝒓𝒓𝒆 𝒄𝒐𝒏𝒕𝒓𝒆
𝒍’𝑼𝒌𝒓𝒂𝒊𝒏𝒆 𝒂 𝒃𝒐𝒖𝒍𝒆𝒗𝒆𝒓𝒔𝒆́ 𝒍’𝒆́𝒄𝒓𝒊𝒕𝒖𝒓𝒆 𝒅𝒆 𝒔𝒐𝒏 𝒍𝒊𝒗𝒓𝒆.

11 octobre 2025 - 14 min 44 sec (Audio)

https://www.radioorient.com/anouar-benmalek-un-roman-suspendu-aux-portes-de-la-guerre


                                              








dimanche 5 octobre 2025

"Irina, un opéra russe" à la 𝐅𝐞̂𝐭𝐞 𝐝𝐮 𝐋𝐢𝐯𝐫𝐞 𝐝𝐞 𝐒𝐚𝐢𝐧𝐭-𝐄𝐭𝐢𝐞𝐧𝐧𝐞 (10 au 12 octobre 2025)

 𝐅𝐞̂𝐭𝐞 𝐝𝐮 𝐋𝐢𝐯𝐫𝐞 𝐝𝐞 𝐒𝐚𝐢𝐧𝐭-𝐄𝐭𝐢𝐞𝐧𝐧𝐞 (10 au 12 octobre 2025)



"Irina, un opéra russe" d'Anouar Benmalek présenté à la fête du Livre de Saint-Etienne.

Je serais honoré de vous rencontrer à:

𝐥𝐚 𝐆𝐫𝐚𝐧𝐝𝐞 𝐥𝐢𝐛𝐫𝐚𝐢𝐫𝐢𝐞- 𝐏𝐥𝐚𝐜𝐞 𝐝𝐞 𝐥'𝐇𝐨̂𝐭𝐞𝐥 𝐝𝐞 𝐕𝐢𝐥𝐥𝐞 - 𝐬𝐭𝐚𝐧𝐝 𝐇𝟏𝟒
𝐒𝐚𝐦𝐞𝐝𝐢 𝐝𝐞 𝟏𝟎𝐡 𝐚̀ 𝟏𝟗𝐡
𝐃𝐢𝐦𝐚𝐧𝐜𝐡𝐞 𝐝𝐞 𝟏𝟎𝐡 𝐚̀ 𝟏𝟔𝐡

Débats et rencontres
Polaroid – Anouar Benmalek

𝒔𝒂𝒎𝒆𝒅𝒊 11 𝒐𝒄𝒕𝒐𝒃𝒓𝒆, 15:45-16:15
𝑷𝒍𝒂𝒄𝒆 𝒅𝒆 𝒍'𝑯𝒐̂𝒕𝒆𝒍 𝒅𝒆 𝑽𝒊𝒍𝒍𝒆 - 𝑬𝒔𝒑𝒂𝒄𝒆 𝒅𝒆́𝒃𝒂𝒕𝒔







Le roman le plus personnel d’Anouar Benmalek par son lien avec la Russie.

Leningrad, 1978. Irina, soprano aux rêves de grandeur, aborde Walid, étudiant algérien parti sur les traces de Napoléon en Russie, devant l’entrée du musée de l’Ermitage. Elle sollicite son aide pour atteindre sans faire la queue la « petite salle italienne », où se trouve un étrange tableau du Caravage. Puis elle disparaît. Il se prend alors d’une passion pour l’opéra russe en espérant retrouver la belle inconnue. Commence une longue histoire d’amour qui survivra à l’absence pendant quarante années de Walid, contraint de quitter le pays précipitamment, jusqu’à ce qu’il revienne à Saint-Pétersbourg en février 2022 dans le but de retrouver Irina.

Poursuivant son exploration romanesque des tragédies du XXe siècle, Anouar Benmalek nous embarque, à travers le destin de Vladimir, le grand-père d’Irina, dans la sombre histoire de l’URSS au Kazakhstan dans les années 1930. Au sommet de son art, il use d’un imaginaire exceptionnel et d’une langue puissante pour écrire ces vies qui disent la splendeur et la misère de la grande Russie. Un texte ô combien d’actualité.

Auteur de nombreux romans, dont Le Rapt, Ô Maria, Fils du Shéol et L’Amour au temps des scélérats, Grand Prix SGDL 2022 de fiction, traduit dans une dizaine de langues, le romancier franco-algérien Anouar Benmalek a été l’un des fondateurs du Comité algérien contre la torture. Enseignant-chercheur dans une université parisienne, parlant le russe, il a passé cinq ans dans l’ancienne URSS entre Kiev, Odessa, Moscou et Leningrad à préparer une thèse de doctorat en mathématiques.


https://fetedulivre.saint-etienne.fr/auteurs/benmalek-anouar/




vendredi 3 octobre 2025

Irina, un opéra russe: "Car de russe, ce livre en a tous les éléments : l’érudition, le romanesque, les destins tragiques et l’amour..."

 Annonce de la librairie L'Oiseau Moqueur (Sucy-en-Brie)


"Venez nombreux vendredi 3 octobre à 17h30 à la rencontre d’Anouar BENMALEK pour son nouveau roman : Irina, un opéra russe.

Car de russe, ce livre en a tous les éléments : l’érudition, le romanesque, les destins tragiques et l’amour.

Que vous con
naissez ou non Anouar, croyez moi, la rencontre sera passionnante !"



lundi 22 septembre 2025

"𝑼𝒏𝒆 𝒉𝒆́𝒓𝒐𝒊̈𝒏𝒆 𝒓𝒖𝒔𝒔𝒆… 𝑫𝒆𝒔𝒕𝒊𝒏 𝒕𝒓𝒂𝒈𝒊𝒒𝒖𝒆, 𝒓𝒐𝒎𝒂𝒏𝒆𝒔𝒒𝒖𝒆", 𝐹𝑒𝑚𝑚𝑒 𝐴𝑐𝑡𝑢𝑒𝑙𝑙𝑒, sept. 2025

"𝙄𝙧𝙞𝙣𝙖, 𝙪𝙣 𝙤𝙥𝙚́𝙧𝙖 𝙧𝙪𝙨𝙨𝙚", d’Anouar Benmalek

Ed. Emmanuelle Collas, 482 p.

(Cécile Pivot, 𝐹𝑒𝑚𝑚𝑒 𝐴𝑐𝑡𝑢𝑒𝑙𝑙𝑒, sept. 2025)


    Une héroïne russe. A Leningrad on 1978, les conditions de vie sont rudes, mais Irina ne vit que pour une chose: devenir une grande soprano. Walid, Algérien boursier en fin de thèse, ne vit, lui, que pour Irina. Bien des surprises et des déconvenues attendent la jeune femme qui est très proche de Vladimir, son grand-père adoré. Le destin tragique, romanesque et imaginaire da ces trois personnages se heurte a l'histoire de la Russie, particulièrement celle du Kazakhstan dans les années 1930, lorsque la politique de sédentarisation du people fut menée par les Russes, d'une cruauté inouïe. Les faits ne cessent de se répéter, nous souffle le romancier franco-algérien, auteur de L'Amour au temps des scélérats.








dimanche 21 septembre 2025

"J’ai tant de choses à te dire, Ou plutôt, une seule, mais vaste comme la mer, Comme la mer, profonde et infinie…"

                               "𝙐𝙣𝙚 𝙜𝙧𝙖𝙣𝙙𝙚 𝙚𝙩 𝙡𝙤𝙣𝙜𝙪𝙚 𝙝𝙞𝙨𝙩𝙤𝙞𝙧𝙚 𝙙'𝙖𝙢𝙤𝙪𝙧..."

"𝘼𝙣𝙤𝙪𝙖𝙧 𝘽𝙚𝙣𝙢𝙖𝙡𝙚𝙠 𝙣𝙤𝙪𝙨 𝙤𝙛𝙛𝙧𝙚 𝙖𝙞𝙣𝙨𝙞 𝙪𝙣𝙚 𝙛𝙧𝙚𝙨𝙦𝙪𝙚 𝙥𝙪𝙞𝙨𝙨𝙖𝙣𝙩𝙚 𝙨𝙪𝙧 𝙡'𝙚𝙢𝙥𝙧𝙞𝙨𝙚 𝙙𝙪 𝙥𝙖𝙨𝙨𝙚́ 𝙚𝙩 𝙙𝙚 𝙨𝙚𝙨 𝙛𝙖𝙣𝙩𝙤̂𝙢𝙚𝙨 𝙨𝙪𝙧 𝙣𝙤𝙨 𝙫𝙞𝙚𝙨. 𝘾𝙚 𝙢𝙖𝙜𝙣𝙞𝙛𝙞𝙦𝙪𝙚 𝙧𝙤𝙢𝙖𝙣 𝙖̀ 𝙡'𝙚́𝙘𝙧𝙞𝙩𝙪𝙧𝙚 𝙩𝙤𝙪𝙟𝙤𝙪𝙧𝙨 𝙖𝙪𝙨𝙨𝙞 𝙙𝙚́𝙡𝙞𝙘𝙖𝙩𝙚 𝙚𝙩 𝙢𝙖𝙞𝙩𝙧𝙞𝙨𝙚́𝙚 𝙧𝙚́𝙨𝙤𝙣𝙣𝙚𝙧𝙖 𝙡𝙤𝙣𝙜𝙩𝙚𝙢𝙥𝙨 𝙚𝙣 𝙫𝙤𝙪𝙨 𝙩𝙖𝙣𝙩 𝙡𝙚𝙨 𝙥𝙚𝙧𝙨𝙤𝙣𝙣𝙖𝙜𝙚𝙨 𝙨𝙤𝙣𝙩 𝙝𝙖𝙗𝙞𝙩𝙚́𝙨, 𝙞𝙣𝙘𝙖𝙧𝙣𝙚́𝙨 𝙚𝙣 𝙪𝙣𝙚 𝙩𝙧𝙚𝙨𝙨𝙚 𝙧𝙤𝙢𝙖𝙣𝙚𝙨𝙦𝙪𝙚 𝙙𝙞𝙜𝙣𝙚 𝙙𝙚𝙨 𝙢𝙚𝙞𝙡𝙡𝙚𝙪𝙧𝙨 𝙤𝙥𝙚́𝙧𝙖𝙨. 𝙎𝙞 𝙡'𝙖𝙧𝙩 𝙣𝙚 𝙣𝙤𝙪𝙨 𝙨𝙖𝙪𝙫𝙚 𝙥𝙖𝙨, 𝙖𝙪 𝙢𝙤𝙞𝙣𝙨 𝙣𝙤𝙪𝙨 𝙖𝙞𝙙𝙚-𝙩-𝙞𝙡 𝙖̀ 𝙧𝙚𝙨𝙩𝙚𝙧 𝙙𝙞𝙜𝙣𝙚𝙢𝙚𝙣𝙩 𝙙𝙚𝙗𝙤𝙪𝙩. 𝙋𝙤𝙪𝙧 𝙣𝙤𝙪𝙨 𝙘𝙤𝙢𝙢𝙚 𝙪𝙣 𝙘𝙤𝙢𝙥𝙖𝙜𝙣𝙤𝙣 𝙙𝙚 𝙧𝙤𝙪𝙩𝙚, 𝘼𝙣𝙤𝙪𝙖𝙧 𝘽𝙚𝙣𝙢𝙖𝙡𝙚𝙠 𝙨𝙚𝙧𝙖 𝙙𝙤𝙣𝙘 𝙡𝙖̀." (𝙇𝙞𝙗𝙧𝙖𝙞𝙧𝙞𝙚 𝘼𝙣𝙩𝙞𝙥𝙤𝙙𝙚𝙨)

Ps: La librairie Antipodes (8 rue Robert Schuman, Enghien-les-Bains) m'a fait l'honneur de m'inviter à une rencontre avec les lecteurs autour de « Irina, un opéra russe », ce samedi 20 septembre 2025 à 17h. Je serais heureux de vous y retrouver.

A. Benmalek







𝑽𝑳𝑬𝑬𝑳 399 𝑹𝒆𝒏𝒄𝒐𝒏𝒕𝒓𝒆 𝒍𝒊𝒕𝒕𝒆́𝒓𝒂𝒊𝒓𝒆 𝒂𝒗𝒆𝒄 𝑨𝒏𝒐𝒖𝒂𝒓 𝑩𝒆𝒏𝒎𝒂𝒍𝒆𝒌 𝒂𝒖𝒕𝒐𝒖𝒓 𝒅𝒆 𝒔𝒐𝒏 𝒓𝒐𝒎𝒂𝒏 "𝑰𝒓𝒊𝒏𝒂, 𝒖𝒏 𝒐𝒑𝒆́𝒓𝒂 𝒓𝒖𝒔𝒔𝒆" 𝒂𝒖𝒙 𝑬́𝒅𝒊𝒕𝒊𝒐𝒏𝒔 𝑬𝒎𝒎𝒂𝒏𝒖𝒆𝒍𝒍𝒆 𝑪𝒐𝒍𝒍𝒂𝒔

"𝑳𝒆 𝒓𝒐𝒎𝒂𝒏𝒄𝒊𝒆𝒓 𝒇𝒓𝒂𝒏𝒄𝒐-𝒂𝒍𝒈𝒆́𝒓𝒊𝒆𝒏 𝑨𝒏𝒐𝒖𝒂𝒓 𝑩𝒆𝒏𝒎𝒂𝒍𝒆𝒌 𝒆𝒔𝒕 𝒄𝒐𝒏𝒔𝒊𝒅𝒆́𝒓𝒆́ 𝒄𝒐𝒎𝒎𝒆 « 𝒍’𝒆́𝒄𝒓𝒊𝒗𝒂𝒊𝒏 𝒂𝒍𝒈𝒆́𝒓𝒊𝒆𝒏 𝒍𝒆 𝒑𝒍𝒖𝒔 𝒕𝒂𝒍𝒆𝒏𝒕𝒖𝒆𝒖𝒙 𝒅𝒆𝒑𝒖𝒊𝒔 𝑲𝒂𝒕𝒆𝒃 𝒀𝒂𝒄𝒊𝒏𝒆 » 𝒐𝒖 𝒒𝒖𝒂𝒍𝒊𝒇𝒊𝒆́ 𝒅𝒆 « 𝑭𝒂𝒖𝒍𝒌𝒏𝒆𝒓 𝒎𝒆́𝒅𝒊𝒕𝒆𝒓𝒓𝒂𝒏𝒆́𝒆𝒏 »." (VLEEL,10 sept. 2025)

📖 LE LIVRE
Date de parution : 22 Aout 2025, 484 pages

Leningrad, 1978. Irina, soprano aux rêves de grandeur, aborde Walid, étudiant algérien parti sur les traces de Napoléon en Russie, devant l’entrée du musée de l’Ermitage. Elle sollicite son aide pour atteindre sans faire la queue la « petite salle italienne », où se trouve un étrange tableau du Caravage. Puis elle disparaît. Il se prend alors d’une passion pour l’opéra russe en espérant retrouver la belle inconnue.
Commence une longue histoire d’amour qui survivra à l’absence pendant quarante années de Walid, contraint de quitter le pays précipitamment, jusqu’à ce qu’il revienne à Saint-Pétersbourg en février 2022 dans le but de retrouver Irina.
Poursuivant son exploration romanesque des tragédies du XXe siècle, Anouar Benmalek nous embarque, à travers le destin de Vladimir, le grand-père d’Irina, dans la sombre histoire de l’URSS au Kazakhstan dans les années 1930. Au sommet de son art, il use d’un imaginaire exceptionnel et d’une langue puissante pour écrire ces vies qui disent la splendeur et la misère de la grande Russie. Un texte ô combien d’actualité.
Auteur de nombreux romans, dont Le Rapt, Ô Maria, Fils du Shéol et L’Amour au temps des scélérats, Grand Prix SGDL 2022 de fiction, traduit dans une dizaine de langues, le romancier franco-algérien Anouar Benmalek a été ainsi l’un des fondateurs du Comité algérien contre la torture. Enseignant-chercheur dans une université parisienne, parlant le russe, il a passé cinq ans dans l’ancienne URSS entre Kiev, Odessa, Moscou et Leningrad à préparer une thèse de doctorat en mathématiques.
📖 L’AUTEUR
Crédit Photo © Francesco Gattoni
Mathématicien, auteur d’une quinzaine de livres dont Les amants désunis, L’enfant du peuple ancien ou Fils du Shéol, plusieurs fois primé, traduit alors dans une dizaine de langues, le romancier franco-algérien Anouar Benmalek est considéré comme « l’écrivain algérien le plus talentueux depuis Kateb Yacine » ou de « Faulkner méditerranéen ». L’un des fondateurs du Comité algérien contre la torture, alors que ses romans ont souvent été violemment attaqués dans le monde arabe par l’islamisme intégriste. Anouar Benmalek a ainsi reçu le Grand prix SGDL 2022 de fiction pour L’Amour au temps des scélérats (Emmanuelle Collas, 2021). Irina, un opéra russe est alors son dernier roman.
‪@emmanuellecollas6209‬ ‪@justinecollas7437‬ ‪@anouarbenmalek4965‬

jeudi 18 septembre 2025

"𝑨𝒏𝒐𝒖𝒂𝒓 𝑩𝒆𝒏𝒎𝒂𝒍𝒆𝒌, 𝒖𝒏 𝒎𝒆𝒓𝒗𝒆𝒊𝒍𝒍𝒆𝒖𝒙 𝒓𝒐𝒎𝒂𝒏𝒄𝒊𝒆𝒓 𝒒𝒖'𝒐𝒏 𝒏𝒆 𝒔𝒆 𝒍𝒂𝒔𝒔𝒆 𝒑𝒂𝒔 𝒅𝒆 𝒍𝒊𝒓𝒆, 𝒆𝒏𝒄𝒐𝒓𝒆 𝒆𝒕 𝒕𝒐𝒖𝒋𝒐𝒖𝒓𝒔." (Kɪᴍᴀ Mᴏʀɪ, Aʀᴛs ᴇᴛ Lᴇᴛᴛʀᴇs ᴅᴜ ᴍᴏɴᴅᴇ, sᴇᴘᴛ. 2025)

                             Irina, un opéra russe d’Anouar Benmalek

                                                 
« 𝘌𝘭𝘭𝘦 𝘤𝘩𝘢𝘯𝘵𝘢𝘪𝘵 𝘣𝘪𝘦𝘯, 𝘮𝘢 𝘋𝘢𝘮𝘪𝘭𝘺𝘢. 𝘔𝘢𝘪𝘴 𝘴𝘦𝘶𝘭𝘦𝘮𝘦𝘯𝘵 𝘲𝘶𝘢𝘯𝘥 𝘭'𝘦𝘯𝘷𝘪𝘦 𝘭𝘶𝘪 𝘦𝘯 𝘱𝘳𝘦𝘯𝘢𝘪𝘵. 𝘜𝘯 𝘴𝘰𝘪𝘳 𝘢𝘶𝘵𝘰𝘶𝘳 𝘥𝘶 𝘧𝘦𝘶 𝘱𝘢𝘳 𝘦𝘹𝘦𝘮𝘱𝘭𝘦, 𝘢𝘭𝘰𝘳𝘴 𝘲𝘶𝘦 𝘭𝘢 𝘯𝘦𝘪𝘨𝘦 𝘵𝘰𝘮𝘣𝘢𝘪𝘵 𝘥𝘳𝘶 𝘴𝘶𝘳 𝘭𝘢 𝘺𝘰𝘶𝘳𝘵𝘦 𝘦𝘵 𝘲𝘶𝘦, 𝘯𝘰𝘯 𝘭𝘰𝘪𝘯 𝘥𝘶 𝘤𝘢𝘮𝘱𝘦𝘮𝘦𝘯𝘵, 𝘶𝘯 𝘭𝘰𝘶𝘱 𝘩𝘶𝘳𝘭𝘢𝘪𝘵 𝘴𝘢 𝘴𝘰𝘭𝘪𝘵𝘶𝘥𝘦 𝘢𝘧𝘧𝘢𝘮𝘦́𝘦... 𝘑𝘦 𝘭'𝘢𝘱𝘱𝘦𝘭𝘢𝘪𝘴 𝘉𝘪𝘣𝘪𝘨𝘶𝘭, 𝘮𝘢 𝘧𝘦𝘮𝘮𝘦, « 𝘳𝘰𝘴𝘴𝘪𝘨𝘯𝘰𝘭 ». 𝘌𝘭𝘭𝘦 𝘦́𝘵𝘢𝘪𝘵 𝘱𝘦𝘳𝘴𝘶𝘢𝘥𝘦́𝘦 𝘲𝘶𝘦 𝘫𝘦 𝘮𝘦 𝘮𝘰𝘲𝘶𝘢𝘪𝘴 𝘥'𝘦𝘭𝘭𝘦, 𝘮𝘢𝘪𝘴, 𝘮𝘰𝘪, 𝘫𝘦 𝘭𝘦 𝘱𝘦𝘯𝘴𝘢𝘪𝘴 𝘷𝘳𝘢𝘪𝘮𝘦𝘯𝘵. »

Anouar Benmalek est un merveilleux romancier franco-algérien qui nous avait ébahi avec son précédent - et dix-septième - roman L'Amour au temps des scélérats, Grand Prix SGDL de fiction. Il est enseignant - chercheur dans une université parisienne.
Russophone, ayant résidé cinq ans dans l'ancienne URSS où il préparait un doctorat en mathématiques, il nous revient en cette rentrée littéraire 2025 avec Irina, un opéra russe. Ce nouveau livre, toujours aussi délectable, nous plonge dans un siècle de l'histoire de la Russie, depuis les années trente jusqu'à aujourd'hui et d'une grande histoire d'amour.
Walid est un étudiant algérien qui travaille à sa thèse en 1978 à Leningrad dans le cadre d'un programme d'échange instauré entre l'Algérie et l'URSS. Il va rencontrer Irina, jeune femme sulfureuse et soprano aux rêves de grandeur, par le plus fortuit des hasards. Il tombe éperdument amoureux d'elle mais dès la première page du roman nous savons qu'il va devoir repartir dans son pays et qu'Irina fera le choix de rester chez elle pour se consacrer à sa raison de vivre : le chant, le désir de devenir une soprano à la grande renommée. Dès le début nous savons aussi qu'en 2022 Walid, alors sexagénaire, veut partir en Russie sur les traces de son amour de jeunesse, Irina. Au fil du roman nous découvrirons ce que l'un et l'autre ont vécu ces quarante années durant et espérerons tout du longs qu'ils finiront par se retrouver.
Mais le roman se tisse aussi, et peut-être surtout, de l'histoire d'un troisième personnage : Vladimir, le grand-père d'Irina. La structure narrative se compose dès lors de trois temps différents qui se relaient tout du long : dans les années 30, en 1978 et en 2022. Pour comprendre le destin de la petite-fille, Irina, il est nécessaire de connaître la vérité sur l'homme qu'a été Vladimir, ce qu'il a vécu et ce qu'il a fait autrefois à l'insu de tous en agissant pour le compte des services secrets staliniens au Kazakhstan.
Irina, un opéra russe nous éclaire sur la Russie d'hier et d'aujourd'hui, notamment les exactions du régime stalinien à l'origine de vingt-cinq millions de morts. Mais tout comme dans son précédent roman, l'auteur instille de la magie dans cette œuvre hautement romanesque. Ici aussi une pointe de réalisme magique, une pincée de l'incroyable des contes et épopées anciennes parsèment l'histoire d'amour. Les réalités historiques dérangeantes, la lucidité sur les devenirs d'un système dont nous connaissons l'actualité s'offrent à nous avec délicatesse, profondeur et douceur. Anouar Benmalek est en effet un merveilleux romancier qu'on ne se lasse pas de lire, encore et toujours.
Irina, un opéra russe d’Anouar Benmalek

mercredi 10 septembre 2025

𝙄𝒓𝙞𝒏𝙖, 𝒖𝙣 𝙤𝒑𝙚́𝒓𝙖 𝙧𝒖𝙨𝒔𝙚 : "Un roman vaste, intense, qui s’écoute autant qu’il se lit ".

 𝓜𝓪𝓻𝓮 𝓝𝓸𝓼𝓽𝓻𝓾𝓶 - 𝓤𝓷𝓮 𝓶𝓮́𝓭𝓲𝓽𝓮𝓻𝓻𝓪𝓷𝓮́𝓮 𝓪𝓾𝓽𝓻𝓮𝓶𝓮𝓷𝓽 (2 sept. 2025)


𝐏𝐨𝐥𝐨𝐧𝐚𝐢𝐬𝐞 𝐝𝐞𝐬 𝐧𝐞𝐢𝐠𝐞𝐬, 𝐭𝐚𝐧𝐠𝐨 𝐝𝐞 𝐥𝐚 𝐧𝐨𝐬𝐭𝐚𝐥𝐠𝐢𝐞, 𝐦𝐚𝐫𝐜𝐡𝐞 𝐟𝐮𝐧𝐞̀𝐛𝐫𝐞 𝐝𝐞 𝐥’𝐇𝐢𝐬𝐭𝐨𝐢𝐫𝐞 : "𝙄𝒓𝙞𝒏𝙖, 𝒖𝙣 𝙤𝒑𝙚́𝒓𝙖 𝙧𝒖𝙨𝒔𝙚" 𝐞𝐬𝐭 𝐭𝐨𝐮𝐭 𝐜𝐞𝐥𝐚 𝐚̀ 𝐥𝐚 𝐟𝐨𝐢𝐬.

𝑨𝒏𝒐𝒖𝒂𝒓 𝑩𝒆𝒏𝒎𝒂𝒍𝒆𝒌 nous prend par la main au milieu d’une file de l’Ermitage, devant un Caravage qui cligne d’un œil invisible, et ne nous lâche plus. Irina, soprano ardente, veut tout : la note absolue, l’ivresse des rappels, l’éternité de la voix. Walid, historien venu d’Algérie, veut l’amour, la Russie et un sens au chaos – il croit trouver une clé dans une salle bleue, entre un luth et des fruits. Et Vladimir, grand-père au passé de pierre, veut un pardon que l’Histoire n’octroie pas. La grande force du livre tient dans ce contrepoint : à la ferveur des répétitions répond l’aveu d’un ex-tchékiste, aux rougeurs des coulisses la nuit kazakhe des années 1930, à l’élan des corps la lourdeur des quotas et des archives. Benmalek compose un « opéra » en prose où chaque air est un dilemme, où toute beauté réclame son tribut. On y lit, haletant, la façon dont un siècle dévore les vies intimes – et comment la musique, parfois, impose à l’horreur la pudeur d’un vibrato. Un roman vaste, intense, qui s’écoute autant qu’il se lit.

https://www.youtube.com/watch?v=84OrFmFP79k