dimanche 7 décembre 2025

De la Shoah, des Hereros et du « Monde arabe », Anouar Benmalek (2016)

 

De la Shoah, des Hereros et du « Monde arabe »

Anouar Benmalek

(Revue Apulée, 2016)

 

Cet article est dédié à un prisonnier d’opinion algérien, Slimane Bouhafs,  condamné ce mois-ci à trois ans de prison ferme par la justice algérienne pour le simple fait d’avoir usé pacifiquement de sa liberté d’expression, de conversion et de conviction religieuses, tous droits pourtant explicitement garantis par la Constitution de son pays.

 

 


Dans les lignes qui suivent, je voudrais expliquer à un lecteur éventuel l’enchaînement des événements qui m’ont conduit à l’écriture d’un roman, Fils du Shéol. Publié simultanément en France (Calmann-Lévy) et en Algérie (Casbah Editions), ce livre occupe, à son corps défendant, deux positions assez singulières :  être à la fois le premier roman consacré au génocide des Juifs d’Europe écrit par un écrivain dit « arabe » (algérien, plus précisément) et le premier, également,   à lier la Shoah, cet événement cataclysmique qui a brisé le vingtième siècle en deux, à un autre génocide, absolument méconnu celui-ci, inaugural pourtant de ce siècle de sang et de meurtres de masse, perpétré par le même (peu ou prou) État allemand à l’encontre de deux peuples africains, les Héréros et les Namas dans un pays connu plus tard sous le nom de Namibie.

Mais le quotidien d’un écrivain issu de cette région de notre planète qualifiée trop rapidement de « Monde arabe » ne se réduit pas, comme on peut le deviner,  à des préoccupations éthérées d’ordre strictement littéraire. Expliquer la genèse de Fils du Shéol  implique nécessairement d’aborder l’environnement « métalittéraire » de l’auteur de l’ouvrage.  Permettez-moi donc, avant d’attaquer mon propos principal, de montrer en quelques séquences fortes, à la manière d’un trailer de cinéma, comment peuvent s’entremêler, parfois de manière vitale, l’actualité (la « grande » : celle, terrible, obscène, des journaux et des télévisions) et le quotidien (banalement ordinaire) d’un écrivain se vouant et s’échinant à son art, à l’instar de milliers d’autres de ses confrères et consœurs de part le monde.

Première séquence : je reviens, au printemps 2016, d’Alger où l’Institut Français, dépendant du ministère des affaires étrangères français a eu l’amabilité d’organiser un hommage à ma personne (c’était le nom officiel de cette cérémonie) en partenariat avec un important journal algérien et le Syndicat national des éditeurs et du livre. Quand j’ai lu pour la première fois l’intitulé de la rencontre, "Hommage à Anouar Benmalek", j’ai éprouvé bien entendu un plaisir prévisible, traversé cependant par un instant de flottement dû à la sensation désagréable d’être un petit peu mort, les hommages s’accompagnant souvent de l’exigence collatérale d’être posthumes… J’ai apprécié d’autant plus ce geste d’amitié dans le contexte local que l’important journal était arabophone, confirmant ainsi et de belle manière qu’on peut être un écrivain algérien de langue française tout en demeurant attaché au pays de ses parents et à sa culture ancestrale.

Où est donc le problème ? me demanderait-on ?

Il m’a suffi de lire sur l’affiche de la cérémonie (et de relire, et jusqu’à présent toujours avec une identique sidération) le nom du journal qui a insisté pour participer à cet hommage.

Deuxième séquence : Voilà la une de ce même journal en septembre 2006, deux semaines après la publication chez Fayard de mon roman Ô Maria, donc bien avant sa parution annoncée en Algérie :   « Un écrivain algérien offense le prophète et insulte l’Islam et les Musulmans ».

Être à la une du journal à plus fort tirage de son pays est un rêve pour tout écrivain doué d’un ego normalement dimensionné, mais, dans ce cas précis, cela s’apparentait plutôt à un cauchemar car le journal précisait en termes ouvertement menaçants :

« On a l’habitude, en présentant des œuvres littéraires d’en citer quelques extraits ou témoignages, mais dans le cas du roman de l’écrivain algérien émigré Anouar  Benmalek,  paru récemment sous le titre de O Maria, nous n’osons pas le faire de peur de soulever une vague  de colère, sans précédent, autour de nous… Anouar  Benmalek a choisi comme à son accoutumée …  de suivre les traces  de  Salman Rushdie, l’Hindou, utilisant ainsi la ruse du mépris et remuant le  couteau empoisonné dans la sensibilité religieuse, à fleur de peau, de sa  communauté et de sa chair… Pour cela, il doit assumer la responsabilité de son choix jusqu’au bout, et ne pas  attendre de ses critiques et de ses lecteurs en Algérie et dans le monde  arabo-musulman  d’être neutres à l’égard de son texte… »

Troisième séquence : le soir même de ce jour de septembre 2006, deux chaînes satellitaires moyen-orientales Al Jazeera et Al Arabia reprennent le brûlot du journal. Sur le site de la chaîne Al Arabia, plus d’un demi-millier de messages ultraviolents se déverseront en moins de deux jours : « Je demande le versement du sang de ce scélérat ! », « L’Algérie doit le traduire en justice pour trahison suprême », « Si j’avais le pouvoir, je le brûlerais ! » et tutti quanti…

Quatrième séquence : toujours en septembre 2006, trois jours après la diffusion de l’article du journal arabophone, un  appel au meurtre est lancé par un groupe terroriste se réclamant d’Al Qaeda et d’un de ses chefs, l’irakien Zarkaoui (appel toujours présent sur Internet !) : « Voilà un nouveau haineux qui se nomme Anouar Benmalek qui attend que sa tête soit cueillie… Comme a dit le cheikh Abou Mossab Zarkaoui, aujourd’hui, nous n’avons nul besoin de livres ou d’écrits… Il n’y a de véritable parole qui tienne que celles des épées. Toi qui aspires au paradis… lève-toi et coupe la tête de ce chien ainsi que la tête de quiconque portera atteinte à Allah et son prophète ou offensera sa religion et son livre !» (Texte traduit par les soins de la police française…)

Cinquième séquence : en octobre 2015 (Internet a de la mémoire !), article furieux de l’influent journal cairote El Yom Sabaa à la sortie de Fils du Shéol : « A.B revient provoquer la controverse  après son attaque contre la religion musulmane et reconnaît l’holocauste dans son nouveau roman Fils du Shéol… On se rappelle son attaque contre l’Islam, sans précédent dans la littérature contemporaine ! »

Exit donc le trailer de « mise en bouche ». Dans la description du cheminement personnel ayant abouti à Fils du Shéol, des mots reviendront à plusieurs reprises : arabe, écrivain, censure, terrorisme, Shoah, génocide, Namibie, Hereros…

Commençons par le mot « arabe », si chargé politiquement à présent qu’il équivaut presque à une insulte dans la bouche de certains. Décrivons, par quelques exemples personnels, ce que peut signifier parfois le fait d’être ce qu’on appelle un « écrivain arabe » ou, plus exactement, un écrivain issu d’un monde en réalité protéiforme, mais qu’une certaine pensée simpliste caricature violemment en le réduisant à une seule « ethnie », à une seule « langue », à une seule « religion ». Or quoi de plus profondément divers que cette région de la planète qui va de l’océan Atlantique à l’océan Indien et autres mers et golfes chauds (dans tous les sens du terme : climatique et politique) ? Prenez les religions, par exemple, qui sont parfois si exclusives qu’elles servent de définition à des « ethnies ». Vous avez certes l’islam, religion de la majeure partie des habitants de ce monde, mais déjà lui-même divisé en versions chiites (avec deux sous-catégories : septicémain et duodécimain) et sunnites (avec ses quatre grandes interprétations juridiques). Le mot « divisé » est ici un euphémisme, tant les différences culturelles et cultuelles sont importantes entre ces deux visions de l’islam et se traduisent, dans les moments de tension politique, par des confrontations militaires meurtrières.

Mais les religions, dans le monde prétendument unifié rigidement par l’islam, ne se limitent pas, loin de là, à cet islam. Tout le monde a en tête, bien sûr, les Coptes d’Égypte ou les Juifs de Tunisie, du Maroc et d’autres pays de la région. Avec un peu d’effort, on peut se souvenir des Druzes qui croient en la réincarnation et dont la religion, complexe, inclut même des éléments pythagoriciens. Mais qui sait qu’en Irak, particulièrement le long des cours inférieurs du Tigre et de l’Euphrate et près du Chatt-el-Arab, se trouvent encore des croyants d’une des plus anciennes et mystérieuses religions du monde, celle des Mandéens qui croient à un ciel appelé Monde de Lumière, professent l’existence d’un esprit du mal, féminin, appelé Ruha et assurent que les bébés morts avant d’être baptisés dans l’eau seront portés pour l’éternité par des arbres portant des fruits ressemblant aux seins de leurs mères ? Qui avait entendu parler des Yézidis du mont Sinjar avant les massacres génocidaires commis contre eux par les bourreaux de Daech ? Pour eux, un Dieu unique a créé le monde, mais n’en est pas le conservateur, cette tâche ayant été déléguée aux sept anges dont le plus important, Malek Taous, l’ange-Paon, est à la fois une émanation et un serviteur du Tout-Puissant.

Un dernier exemple est celui, à peine croyable, des Samaritains— oui, ceux de la Bible ! Ils appartiennent à l’une des populations les plus petites du monde (environ 700 individus, partagés à parts égales entre la Cisjordanie et Israël) mais dotée d’une des plus anciennes histoires écrites attestées : bien que leur religion soit fondée sur le Pentateuque, ils ne se donnent pas le nom de Juifs, mais celui d’Hébreux, vénèrent le Mont Gerizim à la place du Mont Sinaï et considèrent le Temple Juif de Jérusalem comme une innovation impie du roi David !

Remarquons que je me contente de ne parler que du monde dit arabo-musulman. Je ne citerai pas, pour aller plus vite, les religions autres que musulmanes de l’Iran puisque celui-ci n’est pas arabe (contrairement à ce que beaucoup croient). Il faudrait alors citer, entre autres cultes, les Zoroastriens dont il reste moins d’une centaine de familles en Iran, sur un total de cent milles croyants de par le monde…

La même diversité, peut-être plus importante encore, existe pour les langues. Allez dire à un Kurde de Syrie, un Berbère d’Algérie ou du Maroc, un Arménien d’Irak, un Turcophone de Syrie, que leur langue nationale est l’arabe ! Pire, même en ce qui concerne l’arabe, il faut distinguer l’arabe dit classique (celui, disons, des journaux) et ses versions dialectales qui sont si différentes parfois que deux locuteurs situés chacun aux extrémités de ce monde arabe auront beaucoup de mal à se comprendre s’ils ne s’expriment que dans les versions dialectales propres à leurs pays.

L’unicité tant vantée des croyances et de la langue de ce monde arabo-musulman n’est donc qu’un mythe ou plutôt un fantasme bien utile pour les pouvoirs de toutes obédiences qui voudraient imposer un même moule de pensée politico-religieux à des centaines de millions de personnes ! Mais cette situation de diversité de facto n’est-elle pas, en réalité, une situation tout à fait normale et prévisible si l’on considère l’immensité de la région dont nous discutons ? Imaginerait-on, en effet, une langue unique utilisée par tous les Européens, fussent-ils Espagnols, Suédois ou Allemands ?

Mais il y un domaine où, malgré tout, cette unicité existe : c’est celle de la façon dont les différents régimes politiques traitent leurs populations respectives. Tous les types de régimes existent dans cette partie du monde : monarchies, républiques, émirats, mélanges audacieux et incestueux des systèmes précédents, tels que les républiques monarchiques de facto. Ajoutons, pour l’exotisme, le cas algérien où le devant officiel de la scène politique est occupé par un président le plus souvent en salle de soins intensifs, tandis qu’un cabinet noir exerce la réalité du pouvoir… Cette diversité de façade des pouvoirs n’empêche pas que tous ces pays (tous !) agissent semblablement avec leurs peuples : mépris, répression, censure des médias, intolérance extrême, militarisation de la société, répression policière, prédation des biens publics, corruption à tous les niveaux, élections truquées (quand il y en a), etc.

Reconnaissons cependant que certains pays arabes réussissent mieux que d’autres dans l’art de faire oublier leurs turpitudes : l’Arabie saoudite (un Daech qui a réussi) et le Qatar (un État coffre-fort corrupteur et fournisseur de moyens financiers aux groupes islamistes radicaux) ont plus d’alliés occidentaux que la Syrie du dictateur Bachar El Assad, fils de son père, le maître dictateur de fer et de sang, Hafed El Assad…

Comment donc se débrouille un simple citoyen, s’il prétend quand même faire œuvre d’écrivain dans ces conditions ? Eh bien, il aura d’abord à faire connaissance avec cette institution consubstantielle de toutes les dictatures et sociétés arabes, la censure, qu’elle soit d’ordre politique, religieuse ou sociale. La liberté de l’écrivain et de l’artiste en général y reste tributaire d’un axiome que les pouvoirs politico-religieux résument ainsi : « Je ne suis disposé à t’accorder la liberté d’expression que si tu prends l’engagement, sous peine des conséquences les plus redoutables, d’être toujours d’accord avec moi ! »

Mon premier exemple est presque amusant quand j’y repense. Je revenais de Kiev (Ukraine) où j’avais soutenu une thèse de doctorat en mathématiques et j’avais réussi rapidement à publier en Algérie un premier roman, Ludmila, chez une maison d’édition gouvernementale, roman qui racontait les tribulations d’un étudiant étranger portant un regard critique sur la société soviétique. L’URSS existait encore et était dirigée par un certain Gorbatchev. Quelques jours après sa parution en Algérie, le livre était retiré de toutes les librairies du pays, à la suite de fortes pressions de l’ambassade d’URSS à Alger. Le propre directeur de la maison d’édition gouvernementale qui m’avait publié s’est cru obligé d’écrire ensuite dans la presse algérienne un article de repentance (à la chinoise) m’accusant d’avoir écrit un livre qui portait atteinte, selon ses propres mots, aux « intérêts diplomatiques suprêmes de l’Algérie » ! Vous imaginez : moi, simple étudiant à l’époque… N’oubliez pas que c’est sa propre maison qui l’avait édité ! Un diplomate qui était en poste à Moscou à l’époque de la publication du roman à Alger m’a expliqué récemment que le gouvernement soviétique, partant de l’idée « raisonnable » que la liberté d’édition n’existait pas en Algérie et que, par conséquent, toute publication étatique n’y pouvait exister qu’avec l’aval des autorités algériennes, en avait déduit que mon roman était en réalité le signal inquiétant d’un imminent éloignement de l’Algérie de ses alliances géostratégiques traditionnelles…

Ma deuxième grande surprise en matière de censure a été la censure « socio-islamiste ». Ce n’est pas vraiment l’adjectif qui convient, mais je le garderai faute de mieux. J’avais publié en France un roman sur les Morisques d’Espagne, ces musulmans forcés de se convertir à la religion catholique après la chute de Grenade en 1492. Comme les Marranes, la plupart des Morisques continueront de croire à leur ancienne foi dans le secret de leurs cœurs, malgré le risque d’être brûlé vifs si l’Inquisition le découvrait. Au début du 17ème siècle, la couronne d’Espagne décidera d’expulser tous les descendants de Moriques : ce sera la première déportation d’État de l’histoire moderne. Le but de mon livre était, entre autres, de rendre hommage à la tragédie de ces Morisques oubliés par l’Histoire, encore trop musulmans pour les Chrétiens d’Espagne, encore trop chrétiens pour les Musulmans d’Afrique du Nord qui, souvent, mal les accueillirent après leur déportation. Les ennuis de ce livre en Algérie commencèrent avec les employés de la maison d’édition locale qui devait publier la version algérienne d’Ô Maria : ceux-ci menacèrent de démissionner en bloc si leur maison d’édition honorait le contrat signé et maintenait la publication de mon livre. Puis certains employés encore plus zélés envoyèrent le fichier du roman à la presse en soulignant ce qui leur apparaissait comme blasphématoire…

Cette époque de ma vie qui a suivi la publication d’Ô Maria a été très difficile à vivre. Après une campagne de dénonciations haineuses de mon livre en Algérie, reprise comme une trainée de poudre partout dans le monde arabe par des journalistes n’ayant pas lu une ligne de mon livre (et pour cause, celui-ci n’ayant pas été traduit en arabe), une condamnation à mort avait été lancée à mon encontre, comme je l’ai indiqué au début, par un groupe terroriste. Sur les conseils des services de sécurité français, ma famille et moi avons dû quitter le domicile familial (Notons au passage qu’il a fallu expliquer à mon jeune fils pourquoi nous quittions la maison : des problèmes de plomberie, ce qui l’avait ravi puisque cela voulait dire ne plus aller à l’école pendant quelques jours…).

Ah, vous vous retrouvez bien seuls en pareille circonstance… comme tant d’autres intellectuels à travers le monde arabe. Mais bon, tout cela est d’une terrible et féroce banalité dans cette région du monde dominée par l’idéologie et la peur des fanatiques de tout poil : vous pouvez être condamné à mille coups de fouets pour avoir osé émettre une opinion modérée sur l’égalité des religions ; vous pouvez être décapité sur la place publique, au choix, par un État membre de l’ONU parce que vous êtes un opposant politique, ou par un groupe terroriste parce que vous dirigez un département d’antiquités romaines ; vous pouvez être fusillé parce que vous n’avez pas répondu correctement à une banale question de théologie à un barrage routier ; vous pouvez être égorgés en groupe parce que vous appartenez à une autre religion ; vous pouvez être vendue comme esclave enfant à des combattants qui prendront d’abord la précaution de prier dévotement avant de vous violer, etc.

Tout cela sans provoquer d’indignations massives, sans que des foules scandalisées ne sortent dans les rues de toutes les villes arabes pour clamer : pas en notre nom !

Alors, pour les écrivains de cette région, il ne reste plus qu’une seule issue honorable : celle de s’obstiner à écrire puisque tout leur serait dorénavant interdit. Mais signalons au passage qu’il y a aussi, pour moi et pour beaucoup d’autres personnes issues de cette région du monde qui va de l’Atlantique au Golfe persique, des raisons d’espérer importantes dans ce monde d’obscurité. N’oublions pas, et ce n’est pas contradictoire avec ce que j’ai déjà dit, n’oublions jamais ces multitudes d’individus dans ce monde arabe qui persistent, au prix de leurs vies, à résister courageusement à l’oppression tant des régimes corrompus que des milices terroristes, alors que tout devrait les inciter à l’abandon et au désespoir le plus absolu.

Nous devons lire les poètes et les romanciers libres de ce monde arabe qui risquent littéralement leurs vies pour un mot de travers. Nous ne soutenons pas assez ces écrivains, ces journalistes ou ces blogueurs condamnés au fouet et à de longues années de prison par des régimes théocratiques. Nous restons trop souvent muets face à la puissance de l’argent du Golfe, Arabie saoudite en tête, et de sa propagande intégriste.

Qu’on ne se méprenne pas sur mes propos : je parle du monde arabe avec colère parce que j’aime passionnément ce monde, celui de mon père et de ma mère et des années les plus importantes de ma vie, celles qui vous forment au plus profond de vous-même. Une tristesse infinie me prend quand je réalise l’état de destruction, de chaos et de haine du monde arabe actuel. L’Irak, diverse dans ses croyances et ses cultures, héritière de la brillante civilisation des Abbassides, a peut-être fini d’exister. Entre terrorisme abject et cruelle dictature, la grande Syrie avec ses centaines de milliers de morts est en voie de balkanisation définitive. Que dire alors du petit Yémen, écrasé par l’affrontement entre les armées d’une coalition brutalement menée par l’Arabie saoudite et des Houthis au service de l’Iran ? L’intolérance absolue introduite par les mouvements terroristes à vision messianique du type de Daech tente d’ensauvager de manière uniforme une région dont la caractéristique capitale (et souvent dissimulée) a été d’abord, comme j’ai essayé de le montrer, la pluralité culturelle, langagière, ethnique et religieuse.

Venons maintenant à ce qui fait l’objet du cœur de ce texte : Fils du Shéol. La presse occidentale et arabe a dit de cet ouvrage que c’était le premier roman « arabe » sur la Shoah, en omettant systématiquement (cela est significatif aussi d’un certain racisme inconscient) de noter que Fils du Shéol se veut aussi le premier ouvrage de fiction (et pas seulement au niveau du monde arabe) à traiter d’un autre génocide, totalement méconnu, celui des Hereros.

J’ai toujours été passionné par ce type de littérature décrivant la confrontation terrible, parfois mortelle, toujours révélatrice, qui met aux prises des personnages « ordinaires » avec la grande broyeuse de l’Histoire. Dans mes romans, j’ai débuté évidemment par ce que je connaissais le mieux, l’Algérie, sa guerre d’indépendance, le vol de la démocratie par le pouvoir militaire, suivi par la terreur islamiste et ses deux cents milles morts ; puis de fil en aiguille, le Moyen-Orient avec ses interminables et désespérants conflits, l’Andalousie et la déportation des Morisques. Je suis même allé en Tasmanie pour évoquer le génocide « réussi » des Aborigènes de cette île australienne à la fin du 19ème siècle.

Dans mes romans, je me rends compte au fond que j’ai essayé sans relâche, plus ou moins consciemment, de répondre à l’interrogation qui nous taraude tous à certains moments : « Qu’aurais-je fait si… ? Que ferais-je si… ?»

Qu’aurais-je fait, par exemple, si j’avais été torturé pendant la guerre d’Algérie par l’armée française dans les années cinquante… ou par l’armée algérienne dans les années quatre-vingts ? Qu’aurais fait si j’étais tombé entre les mains d’un groupe terroriste algérien ? Qu’aurais-je fait si j’avais été le dernier aborigène de Tasmanie à la suite des massacres perpétrés par les colons anglo-saxons, etc. ?

À chacune de ces interrogations, j’ai tenté de répondre par un roman.

La question, qui allait mener à Fils du Shéol, s’est finalement imposée à moi avec une telle force que j’ai décidé de tenter d’y répondre, dans la mesure de mes moyens, et au moins partiellement : « Qu’aurais-je fait si j’avais été un Allemand juif, pris, ainsi que toute ma famille, dans les mâchoires de l’appareil nazi, en route vers les chambres à gaz ou, pire, destiné à devenir un esclave membre des Sonderkommandos, condamné à enfourner ses propres coreligionnaires dans les fours crématoires, avant d’y être précipité à son tour ? »

J’avais déjà lu et vu un nombre important de livres et de films sur la Shoah, j’en ai encore lu et vu des dizaines au cours de l’écriture de ce livre pour finalement m’en tenir à une unique ligne de conduite : raconter le seul point de vue d’une famille « ordinaire » de Juifs berlinois, ni plus ni moins héroïques que d’autres et n’ayant pas plus d’informations sur la suite des événements que n’importe quel citoyen banal du Troisième Reich.

Des appréhensions, j’en ai eu mon lot, bien sûr, mais ce n’était pas parce que j’étais probablement le premier « Arabe » ou plutôt « Arabo-Berbère » à consacrer un ouvrage de fiction à la Shoah. Ma crainte, constante, avait été de ne pas être à la hauteur d’un sujet sur lequel règne cette malédiction d’être « indicible ». Je récuse de toutes mes forces cette qualification d’ « indicibilité », de « sacralisation » de la Shoah, au point qu’il serait presque blasphématoire de s’en emparer par les moyens de la fiction : le génocide des Juifs et des Tziganes a été commis par des êtres humains sur des êtres humains, et, de ce simple fait, il peut et doit être raconté avec les mots des humains, aussi difficile que cela puisse être.

Le seul frein qui m’avait longtemps retenu d’écrire ce roman sur la Shoah a été un problème de « légitimité ». Non pas la légitimité intrinsèque de l’écrivain : j’affirme qu’un écrivain a le droit de s’emparer de n’importe quel sujet, nous faisons tous partie de la même communauté des Homo sapiens et n’importe quel malheur touchant une partie de cette communauté nous concerne ou devrait tous nous concerner. Je parle ici plutôt d’une légitimité vis-à-vis de moi-même : qu’apporterais-je de nouveau, moi Africain, à une histoire qui s’était produite loin de mon continent d’origine, qui n’avait a priori aucune relation avec celle de l’Afrique. Le déclic a été la lecture d’une biographie d’un des dirigeants les plus importants du système nazi, Hermann Göring. Au détour d’une phrase, j’y ai appris que son père, Heinrich Göring, avait été gouverneur de la German South West Africa, autrement dit : l’Afrique du Sud-Ouest Germanique (actuellement la Namibie). Intrigué, j’ai commencé à étudier l’histoire de cette colonie allemande, dont je ne soupçonnais même pas l’existence auparavant. J’ai découvert peu à peu l’ampleur des massacres commis par les soldats du Deuxième Reich pendant leur occupation, qui culmineront en 1905 avec le génocide des Hereros, puis des Namas. 80% des Hereros y perdront la vie dans des conditions épouvantables, suivis, peu de temps après, par 50% des Namas. Ma stupéfaction initiale vient de ce que je n’avais jamais entendu évoquer précédemment ce génocide inaugural du 20ème siècle. J’ai vérifié autour de moi, j’ai posé la question à nombre d’écrivains, africains et européens : partout la même extraordinaire ignorance de ce qui n’aurait jamais dû être ignoré. On pouvait donc avoir commis le premier génocide du siècle dernier et le faire disparaître du menu de la mémoire commune !

Des recherches plus attentives m’ont alors permis de comprendre que le génocide perpétré dans la GSWA avait été, en quelque sorte, un « brouillon » artisanal de que l’Allemagne nazi mettrait en œuvre, moins de quarante ans plus tard, de manière monstrueusement industrielle, contre les Juifs et les Tsiganes : mêmes obsessions raciales, premières expériences à visées pseudo génétiques, personnages ayant fait leurs premières armes dans la colonie et qui se retrouveront en dirigeants de premier plan dans le système hitlérien, même meurtrière philosophie pénitentiaire avec des camps de concentration (oui, c’était bien leur dénomination officielle !) où les prisonniers affamés et obligés de porter des plaques de cuivre numérotées autour du cou, se voyaient exploités comme main d’œuvre servile jusqu’à leur mort par exténuation…

Et, pour finir, en miroir à la décision de mettre en branle la Solution finale contre les Juifs prise par les Nazis à la conférence de Wannsee, le Vernichungsbefehl du général von Trotha ordonnant, au nom du Kaiser Wilhelm, que « Chaque Herero trouvé à l’intérieur des frontières allemandes, armé ou non, en possession ou non de bétail, sera tué »…

À ce moment, j’ai su que je tenais là ma légitimité personnelle en tant qu’écrivain « arabe » et, plus généralement « africain » : la Shoah nous concerne aussi, nous autres Africains, et de manière presque directe, parce qu’elle a, en quelque sorte, « un peu » commencé en Namibie.

Signalons que ce n’est qu’en juillet de l’année dernière que l’Allemagne a reconnu le génocide des Hereros et des Namas.

Je voudrais terminer par quelques réflexions sur le métier de romancier. Je crois que le roman correspond, au fond, à une expérience presque scientifique : on prend un certain nombre de personnages auxquels on impose des contraintes de différentes sortes, on les plonge dans des conditions extérieures ne dépendant pas d’eux (le pays, les événements historiques, les conditions sociales et politiques, les croyances religieuses) et l’on observe comment chacune de ces créatures virtuelles, munie de son lot de déterminisme et de libre arbitre, va se débrouiller pour mener à bien sa barque. Ma description est évidemment caricaturale, mais l’important est que le romancier possède, au départ, une liberté de choix s’apparentant à celle du scientifique qui hésite entre plusieurs hypothèses, envisage plusieurs expériences pour les tester, et qui se doit, à chaque étape, de rapporter impartialement les résultats de son travail.

À mon avis, un bon romancier (ou, en tout cas, le genre de romancier que j’aime) a l’obligation d’une certaine neutralité envers ses personnages. Même s’il lui arrive d’éprouver de l’affection pour ses personnages de papier, il ne doit pas oublier de garder également un regard presque cruel de lucidité dans la description de leurs comportements et de leurs motivations profondes.

Un être humain n’est pas façonné uniquement par les mâchoires cannibales de l’Histoire avec un grand H et leur insatiable appétit de sang humain. Un homme ou une femme peuvent aussi décider de vivre leurs petites destinées à côté de cette dévoreuse de destins humains, faire semblant de l’ignorer ou, plus exactement, de souhaiter de toutes leurs forces que cette dernière les ignore. Ils peuvent vouloir aimer, haïr, jalouser, faire preuve de bonté ou de mesquines et ordinaires ambitions alors que de grands et épouvantables événements projettent leurs ombres mortelles sur eux.

Ce que j’essaie de montrer dans mes romans, c’est cette bataille entre le déterminisme terrifiant de certains moments historiques et la liberté, chèrement payée parfois, que possède malgré tout l’être humain de ne pas être totalement défini par eux. Mes personnages ne sont jamais des héros, mais des êtres ordinaires révélés à eux-mêmes et aux autres par des conditions extraordinaires.

La vie est une expérience terrible : nous naissons pour mourir et nous le savons. Cette seule réalité fait de tout être humain un philosophe tragique : vous regardez une personne que vous aimez, une femme, un homme, des enfants et vous savez en toute certitude qu’ils vont mourir, que vous allez mourir ! Cela est insupportable et transforme toute existence humaine en un roman indépassable : aucune œuvre littéraire n’atteindra jamais la grandeur cruelle d’une vie humaine ; à peine commençons-nous à comprendre la vie qui nous est donnée que nous la perdons. D’une certaine manière, une vie n’est qu’une longue agonie : le premier cri d’un bébé est celui-là même qui déclenche le compte à rebours qui le mènera à la tombe.

Toute écriture est, en ce sens, une œuvre philosophique : tout rire, tout bonheur, toute exaltation créés par un roman ou un poème sont certes des victoires contre la mort, mais des victoires tout à fait provisoires, tout à fait dérisoires contre le seul vainqueur à être toujours présent seul sur le podium final : la mort. Mais la grandeur de l’être humain, seul animal doté de la connaissance de sa finitude sur terre, est justement d’accumuler ces victoires provisoires dans tous les domaines, le domaine de l’art et de la science en particulier, et de les transmettre à ses congénères, qu’ils soient actuels ou, surtout, futurs, transformant ainsi son minuscule présent éphémère en une sorte d’immortalité itérative, transmise par une longue chaîne remontant à l’apparition de notre espèce.

Au fond, la littérature n’a de justification que parce que nous mourons. Enlevez la mort et la littérature devient inutile, sinon ridicule.

Un écrivain s’octroie le droit d’écrire ce qu’il désire, là où il le désire, à charge pour lui d’assumer l’honneur ou le déshonneur de ses écrits. Être écrivain ne donne pas, par ailleurs, la certitude d’avoir raison. Ne pas l’être, également.

Je continuerai donc à faire apparaître des mots sur mon écran jusqu’à ce que la mort, un bon matin ou un mauvais soir, ne me tape sur l’épaule en me soufflant : « Allez, fiston, ton tour de piste est terminé… »

Un écrivain algérien, Mouloud Mammeri, a écrit un jour : « Ceux qui, pour quitter la scène, attendent toujours d’avoir récité la dernière réplique à mon avis se trompent : il n’y a jamais de dernière réplique – ou alors, chaque réplique est la dernière, on peut arrêter la noria à peu près à n’importe quel godet, le bal à n’importe quelle figure de la danse… »

Anouar Benmalek (2016)

 



 


Here is the English translation of the text by an AI. Consequently, contextual inaccuracies or errors in meaning may occur.




Of the Shoah, the Hereros, and the "Arab World"

Anouar Benmalek (Apulée Review, 2016)


This article is dedicated to an Algerian prisoner of conscience, Slimane Bouhafs, sentenced this month to three years in prison by the Algerian justice system for the mere fact of having peacefully exercised his freedom of expression, conversion, and religious conviction—rights which are nonetheless explicitly guaranteed by his country’s Constitution.


In the lines that follow, I should like to explain to an eventual reader the sequence of events that led me to write a novel, Son of Sheol. Published simultaneously in France (Calmann-Lévy) and Algeria (Casbah Editions), this book occupies, in spite of itself, two rather singular positions: it is at once the first novel devoted to the genocide of the European Jews written by a so-called "Arab" writer (Algerian, more precisely) and the first, likewise, to link the Shoah—that cataclysmic event which broke the twentieth century in two—to another genocide, one entirely obscure, yet inaugural to this century of blood and mass murder, perpetrated by the (more or less) same German State against two African peoples, the Hereros and the Namas, in a country known later as Namibia.

But the daily life of a writer hailing from that region of our planet too hastily labeled the "Arab World" is not reduced, as one might guess, to ethereal concerns of a strictly literary nature. Explaining the genesis of Son of Sheol necessarily involves addressing the "metaliterary" environment of the work’s author. Permit me, therefore, before tackling my primary subject, to show in a few vivid sequences—after the fashion of a cinematic trailer—how current events (the "grand" kind: the terrible, obscene sort found in newspapers and on television) and the (banally ordinary) daily life of a writer devoted to his craft can intertwine, sometimes in a vital manner, much like thousands of his colleagues across the world.

First sequence: In the spring of 2016, I return from Algiers, where the French Institute, under the French Ministry of Foreign Affairs, has had the kindness to organize a "tribute to my person" (the official name of the ceremony) in partnership with a major Algerian newspaper and the National Union of Publishers and Books. When I first read the title of the meeting, "Tribute to Anouar Benmalek," I felt, of course, a predictable pleasure, though it was shot through with a moment of hesitation due to the unpleasant sensation of being a little bit dead—tributes often being accompanied by the collateral requirement of being posthumous. I appreciated this gesture of friendship all the more in the local context because the major newspaper involved was Arabic-speaking, confirming in a beautiful way that one can be an Algerian writer of the French language while remaining attached to the country of one’s parents and its ancestral culture.

Where then, you might ask, is the problem?

I need only look at the poster for the ceremony (and look again, even now, with the same identical staggering) at the name of the newspaper that insisted on participating in this tribute.

Second sequence: Here is the front page of that very same newspaper in September 2006, two weeks after the publication of my novel O Maria by Fayard—well before its announced appearance in Algeria: "An Algerian Writer Offends the Prophet and Insults Islam and Muslims."

To be on the front page of the highest-circulation newspaper in one’s country is a dream for any writer endowed with a normally proportioned ego; but in this specific case, it was more akin to a nightmare, for the paper specified in overtly threatening terms:

"We are accustomed, when presenting literary works, to quote a few excerpts or testimonials, but in the case of the novel by the emigrated Algerian writer Anouar Benmalek, recently published under the title O Maria, we do not dare to do so for fear of raising an unprecedented wave of anger around us… Anouar Benmalek has chosen, as is his wont… to follow in the footsteps of Salman Rushdie, the Hindu, thus using the ruse of contempt and twisting the poisoned knife in the thin-skinned religious sensitivity of his community and his flesh… For this, he must assume the responsibility for his choice to the end, and not expect his critics and readers in Algeria and the Arab-Muslim world to be neutral toward his text…"

Third sequence: On the very evening of that day in September 2006, two Middle Eastern satellite channels, Al Jazeera and Al Arabiya, picked up the newspaper’s incendiary report. On the Al Arabiya website, more than five hundred ultraviolent messages poured in in less than two days: "I demand the blood of this scoundrel be spilled!", "Algeria must bring him to justice for supreme treason," "If I had the power, I would burn him!" and tutti quanti

Fourth sequence: Still in September 2006, three days after the publication of the Arabic newspaper article, a call for murder was issued by a terrorist group claiming affiliation with Al-Qaeda and one of its leaders, the Iraqi Zarqawi (a call still present on the Internet!): "Here is a new hater named Anouar Benmalek who waits for his head to be harvested… As Sheikh Abu Musab al-Zarqawi said, today we have no need of books or writings… There is no true word that holds but that of swords. You who aspire to paradise… rise and cut the head of this dog, as well as the head of anyone who offends Allah and His Prophet or insults His religion and His Book!" (Text translated by the French police…)

Fifth sequence: In October 2015 (the Internet has a memory!), a furious article appeared in the influential Cairene newspaper El Yom Sabaa upon the release of Son of Sheol: "A.B. returns to provoke controversy after his attack against the Muslim religion and recognizes the Holocaust in his new novel Son of Sheol… We recall his attack against Islam, unprecedented in contemporary literature!"


Exit, then, the "appetizer" trailer. In describing the personal path that led to Son of Sheol, certain words will recur repeatedly: Arab, writer, censorship, terrorism, Shoah, genocide, Namibia, Hereros…

Let us begin with the word "Arab," so politically charged today that it is almost an insult in the mouths of some. Let us describe, through a few personal examples, what it can sometimes mean to be what is called an "Arab writer" or, more accurately, a writer hailing from a world that is in reality protean, but which a certain simplistic school of thought violently caricatures by reducing it to a single "ethnicity," a single "language," and a single "religion." Yet what could be more profoundly diverse than this region of the planet extending from the Atlantic Ocean to the Indian Ocean and other warm seas and gulfs (warm in both the climatic and political sense)?

Take religions, for example, which are sometimes so exclusive they serve as definitions for "ethnicities." You have, of course, Islam—the religion of the majority of this world’s inhabitants—but even it is divided into Shia versions (with two subcategories: Sevener and Twelver) and Sunni versions (with its four major legal interpretations). The word "divided" is a euphemism here, so significant are the cultural and ritual differences between these two visions of Islam, translating, in moments of political tension, into murderous military confrontations.

But religions in the world supposedly unified rigidly by Islam are far from limited to that Islam. Everyone has in mind, of course, the Copts of Egypt or the Jews of Tunisia, Morocco, and other countries in the region. With a little effort, one can remember the Druze, who believe in reincarnation and whose complex religion even includes Pythagorean elements. But who knows that in Iraq, particularly along the lower reaches of the Tigris and Euphrates and near the Shatt al-Arab, there still exist believers of one of the oldest and most mysterious religions in the world: the Mandaeans? They believe in a heaven called the World of Light, profess the existence of a feminine spirit of evil called Ruha, and maintain that babies who die before being baptized in water will be carried for eternity by trees bearing fruit resembling their mothers’ breasts. Who had heard of the Yazidis of Mount Sinjar before the genocidal massacres committed against them by the executioners of Daesh? For them, a single God created the world but is not its keeper, that task having been delegated to seven angels, the most important of whom, Malek Taus—the Peacock Angel—is both an emanation and a servant of the Almighty.

A final example is that of the barely believable Samaritans—yes, those of the Bible! They belong to one of the smallest populations in the world (about 700 individuals, divided equally between the West Bank and Israel) yet possess one of the oldest attested written histories: although their religion is based on the Pentateuch, they do not call themselves Jews but Hebrews, venerate Mount Gerizim instead of Mount Sinai, and consider the Jewish Temple in Jerusalem to be an impious innovation of King David!

Note that I am contenting myself with speaking only of the so-called Arab-Muslim world. I shall not, for the sake of brevity, cite the non-Muslim religions of Iran, since it is not Arab (contrary to what many believe). One would then have to mention, among other cults, the Zoroastrians, of whom fewer than a hundred families remain in Iran, out of a total of one hundred thousand believers worldwide…

The same diversity, perhaps even more significant, exists regarding languages. Go tell a Kurd in Syria, a Berber in Algeria or Morocco, an Armenian in Iraq, or a Turkic-speaker in Syria that their national language is Arabic! Worse still, even regarding Arabic, one must distinguish between so-called Classical Arabic (that of the newspapers, say) and its dialectal versions, which are sometimes so different that two speakers situated at opposite ends of this Arab world would have great difficulty understanding each other if they expressed themselves only in the dialects specific to their countries.

The much-vaunted uniqueness of the beliefs and language of this Arab-Muslim world is therefore merely a myth—or rather, a fantasy quite useful for powers of all persuasions that wish to impose a single politico-religious mold of thought on hundreds of millions of people! But is this state of de facto diversity not, in reality, quite normal and predictable if one considers the vastness of the region under discussion? Could one imagine, indeed, a single language used by all Europeans, whether they be Spanish, Swedish, or German?

But there is one domain where, despite everything, this uniqueness exists: it is the way in which the various political regimes treat their respective populations. Every type of regime exists in this part of the world: monarchies, republics, emirates, and audacious, incestuous mixtures of the preceding systems, such as de facto monarchical republics. Let us add, for exoticism, the Algerian case, where the official political stage is occupied by a president who is most often in an intensive care unit, while a shadow cabinet exercises the reality of power… This diversity of power’s facade does not prevent all these countries (all of them!) from acting similarly toward their peoples: contempt, repression, media censorship, extreme intolerance, the militarization of society, police repression, the predation of public goods, corruption at all levels, rigged elections (when there are any), and so on.

Let us recognize, however, that some Arab countries are more successful than others in the art of making people forget their turpitudes: Saudi Arabia (a Daesh that succeeded) and Qatar (a corrupter-state and safe-deposit box supplying financial means to radical Islamist groups) have more Western allies than the Syria of dictator Bashar al-Assad, son of his father, the iron-and-blood master dictator Hafez al-Assad…

How, then, does a simple citizen manage if he still dares to do the work of a writer under these conditions? Well, he will first have to make the acquaintance of that institution consubstantial with all Arab dictatorships and societies: censorship, whether of a political, religious, or social order. The freedom of the writer and the artist in general remains subject to an axiom that the politico-religious powers summarize thus: "I am willing to grant you freedom of expression only if you pledge, under pain of the most formidable consequences, to always agree with me!"

My first example is almost amusing when I think back on it. I was returning from Kiev (Ukraine) where I had defended a doctoral thesis in mathematics, and I had quickly managed to publish a first novel in Algeria, Ludmila, through a state-owned publishing house—a novel that recounted the tribulations of a foreign student casting a critical eye on Soviet society. The USSR still existed and was led by a certain Gorbachev. A few days after its appearance in Algeria, the book was withdrawn from all the country's bookstores following heavy pressure from the USSR embassy in Algiers. The director of the state-owned publishing house that had published me felt obliged to write an article of repentance (in the Chinese style) in the Algerian press, accusing me of having written a book that harmed, in his own words, "the supreme diplomatic interests of Algeria"! Imagine: me, a simple student at the time… And do not forget that it was his own house that had edited it! A diplomat stationed in Moscow at the time of the novel’s publication in Algiers explained to me recently that the Soviet government—starting from the "reasonable" idea that freedom of publishing did not exist in Algeria and that, consequently, any state publication could only exist with the approval of the Algerian authorities—had deduced that my novel was in fact a worrying signal of Algeria's imminent shift away from its traditional geostatistic alliances…

My second great surprise in the matter of censorship was "socio-Islamist" censorship. This is not quite the right adjective, but I shall keep it for lack of a better one. I had published a novel in France about the Moriscos of Spain—those Muslims forced to convert to the Catholic religion after the fall of Granada in 1492. Like the Marranos, most Moriscos continued to believe in their old faith in the secret of their hearts, despite the risk of being burned alive if the Inquisition discovered it. At the beginning of the 17th century, the Spanish crown decided to expel all descendants of Moriscos: it would be the first state-led deportation in modern history. The aim of my book was, among other things, to pay tribute to the tragedy of these Moriscos forgotten by History—still too Muslim for the Christians of Spain, still too Christian for the Muslims of North Africa who, often, welcomed them poorly after their deportation. The troubles for this book in Algeria began with the employees of the local publishing house that was to publish the Algerian version of O Maria: they threatened to resign en masse if their publishing house honored the signed contract and maintained the publication of my book. Then some even more zealous employees sent the novel's file to the press, highlighting what appeared to them to be blasphemous…

That period of my life following the publication of O Maria was very difficult to endure. After a campaign of hateful denunciations of my book in Algeria—spread like wildfire throughout the Arab world by journalists who had not read a line of my work (and for good reason, as it had not been translated into Arabic)—a death sentence was issued against me, as I indicated at the beginning, by a terrorist group. On the advice of the French security services, my family and I had to leave our home. (Note in passing that I had to explain to my young son why we were leaving: plumbing problems, which had delighted him since it meant not going to school for a few days…).

Ah, you find yourself quite alone in such circumstances… like so many other intellectuals across the Arab world. But then, all this is of a terrible and fierce banality in this region of the world dominated by the ideology and fear of fanatics of every stripe: you can be sentenced to a thousand lashes for daring to voice a moderate opinion on the equality of religions; you can be beheaded in a public square, by choice, by a UN member state because you are a political opponent, or by a terrorist group because you lead a department of Roman antiquities; you can be shot because you did not answer a banal theological question correctly at a roadblock; you can be slaughtered in a group because you belong to another religion; you can be sold as a child slave to fighters who will first take the precaution of praying devoutly before raping you, and so on.

All this without provoking massive indignation, without scandalized crowds taking to the streets of every Arab city to cry out: "Not in our name!"

So, for the writers of this region, only one honorable way out remains: that of obstinately continuing to write, since everything else would henceforth be forbidden to them. But let us note in passing that there are also, for me and for many other people from this region of the world spanning from the Atlantic to the Persian Gulf, significant reasons for hope in this world of darkness. Let us not forget—and this is not contradictory to what I have already said—let us never forget those multitudes of individuals in this Arab world who persist, at the cost of their lives, in courageously resisting oppression from both corrupt regimes and terrorist militias, even when everything should incite them to surrender and the most absolute despair.

We must read the free poets and novelists of this Arab world who literally risk their lives for a word out of place. We do not sufficiently support these writers, journalists, or bloggers sentenced to the lash and long years of prison by theocratic regimes. We remain too often silent in the face of the power of Gulf money, Saudi Arabia at its head, and its fundamentalist propaganda.

Let my words not be misunderstood: I speak of the Arab world with anger because I passionately love this world—the world of my father and mother and the most important years of my life, those that form you in the depths of your being. An infinite sadness takes hold of me when I realize the state of destruction, chaos, and hatred in the current Arab world. Iraq, diverse in its beliefs and cultures, heir to the brilliant civilization of the Abbasids, has perhaps ceased to exist. Between abject terrorism and cruel dictatorship, Greater Syria, with its hundreds of thousands of deaths, is in the process of definitive Balkanization. What then of little Yemen, crushed by the confrontation between the armies of a coalition brutally led by Saudi Arabia and the Houthis in the service of Iran? The absolute intolerance introduced by terrorist movements with a messianic vision of the Daesh type attempts to savagely uniformize a region whose capital (and often hidden) characteristic has been, as I have tried to show, cultural, linguistic, ethnic, and religious plurality.


We come now to the heart of this text: Son of Sheol. The Western and Arab press have said of this work that it was the first "Arab" novel on the Shoah, systematically omitting (this too is significant of a certain unconscious racism) to note that Son of Sheol also aims to be the first work of fiction (and not just within the Arab world) to deal with another genocide, one totally unknown: that of the Hereros.

I have always been fascinated by the type of literature describing the terrible, sometimes mortal, always revealing confrontation that pits "ordinary" characters against the great grinder of History. In my novels, I began, obviously, with what I knew best: Algeria, its war of independence, the theft of democracy by military power followed by Islamist terror and its two hundred thousand deaths; then, one thing leading to another, the Middle East with its interminable and despairing conflicts, Andalusia and the deportation of the Moriscos. I even went to Tasmania to evoke the "successful" genocide of the Aborigines of that Australian island at the end of the 19th century.

In my novels, I realize at heart that I have tried relentlessly, more or less consciously, to answer the question that haunts us all at certain moments: "What would I have done if…? What would I do if…?"

What would I have done, for example, if I had been tortured during the Algerian war by the French army in the fifties… or by the Algerian army in the eighties? What would I have done if I had fallen into the hands of an Algerian terrorist group? What would I have done if I had been the last Tasmanian Aborigine following the massacres perpetrated by Anglo-Saxon settlers, and so on?

To each of these questions, I have attempted to respond with a novel.

The question that would lead to Son of Sheol finally imposed itself on me with such force that I decided to try to answer it, within my means, and at least partially: "What would I have done if I had been a Jewish German, caught along with my entire family in the jaws of the Nazi apparatus, on the way to the gas chambers or, worse, destined to become a slave member of the Sonderkommandos, condemned to shove his own coreligionists into the crematoria before being hurled in himself?"

I had already read and seen a significant number of books and films on the Shoah; I read and saw dozens more during the writing of this book, finally to hold to a single line of conduct: to recount the sole point of view of an "ordinary" family of Berlin Jews, neither more nor less heroic than others and having no more information about the sequence of events than any banal citizen of the Third Reich.

Apprehensions? I had my share, of course, but it was not because I was probably the first "Arab"—or rather "Arabo-Berber"—to devote a work of fiction to the Shoah. My constant fear had been not to be up to the standard of a subject over which reigns that curse of being "unspeakable." I reject with all my might this qualification of "unspeakability," this "sacralization" of the Shoah to the point where it would be almost blasphemous to seize upon it through the means of fiction: the genocide of the Jews and the Roma was committed by human beings upon human beings, and by that simple fact, it can and must be told with human words, however difficult that may be.

The only brake that had long held me back from writing this novel on the Shoah was a problem of "legitimacy." Not the intrinsic legitimacy of the writer: I affirm that a writer has the right to seize upon any subject; we all belong to the same community of Homo sapiens, and any misfortune touching a part of this community concerns or should concern us all. I speak here rather of a legitimacy toward myself: what would I, an African, bring new to a story that had occurred far from my continent of origin, which had a priori no relation to that of Africa?

The spark was reading a biography of one of the most important leaders of the Nazi system, Hermann Göring. In a passing sentence, I learned that his father, Heinrich Göring, had been governor of German South West Africa (now Namibia). Intrigued, I began to study the history of this German colony, of whose existence I had not even suspected before. I discovered little by little the scale of the massacres committed by the soldiers of the Second Reich during their occupation, which culminated in 1904-1905 with the genocide of the Hereros, then the Namas. Eighty percent of the Hereros lost their lives there in appalling conditions, followed shortly thereafter by fifty percent of the Namas. My initial stupefaction came from the fact that I had never heard this inaugural genocide of the 20th century mentioned before. I checked around me, I asked numerous writers, African and European: everywhere the same extraordinary ignorance of what should never have been ignored. One could, therefore, have committed the first genocide of the last century and made it disappear from the menu of common memory!

More careful research then allowed me to understand that the genocide perpetrated in GSWA had been, in a way, a handcrafted "draft" for what Nazi Germany would implement, less than forty years later, in a monstrously industrial manner against the Jews and the Roma: the same racial obsessions, the first experiments for pseudo-genetic purposes, characters who had cut their teeth in the colony and would find themselves as top-tier leaders in the Hitlerite system, the same murderous prison philosophy with concentration camps (yes, that was indeed their official name!) where starving prisoners, forced to wear numbered copper plates around their necks, were exploited as slave labor until their death by exhaustion…

And, finally, mirroring the decision to set in motion the Final Solution against the Jews taken by the Nazis at the Wannsee Conference, the Vernichtungsbefehl (extermination order) of General von Trotha ordering, in the name of Kaiser Wilhelm, that "Every Herero found within the German borders, armed or not, in possession of cattle or not, will be killed"…

At that moment, I knew I had found my personal legitimacy as an "Arab" and, more generally, an "African" writer: the Shoah concerns us too, we Africans, and in an almost direct way, because it "somewhat" began in Namibia.

Let us note that it was only in July of last year that Germany recognized the genocide of the Hereros and Namas.


I should like to conclude with a few reflections on the craft of the novelist. I believe that the novel corresponds, at its heart, to an almost scientific experiment: one takes a certain number of characters upon whom one imposes constraints of different kinds; one plunges them into external conditions that do not depend on them (the country, historical events, social and political conditions, religious beliefs) and one observes how each of these virtual creatures, equipped with its share of determinism and free will, will manage to navigate its ship. My description is obviously a caricature, but the important thing is that the novelist possesses, at the start, a freedom of choice akin to that of the scientist who hesitates between several hypotheses, envisions several experiments to test them, and who must, at each stage, impartially report the results of his work.

In my view, a good novelist (or, in any case, the kind of novelist I love) has an obligation to a certain neutrality toward his characters. Even if he happens to feel affection for his paper characters, he must not forget to also maintain an almost cruel gaze of lucidity in the description of their behaviors and deep motivations.

A human being is not fashioned solely by the cannibal jaws of History with a capital H and its insatiable appetite for human blood. A man or a woman can also decide to live their small destinies alongside this devourer of human fates, pretend to ignore it, or more precisely, wish with all their might that it ignores them. They may wish to love, hate, be jealous, show kindness or petty and ordinary ambitions while great and appalling events cast their mortal shadows over them.

What I try to show in my novels is this battle between the terrifying determinism of certain historical moments and the freedom—sometimes dearly paid for—that the human being possesses nonetheless to not be totally defined by them. My characters are never heroes, but ordinary beings revealed to themselves and others by extraordinary conditions.

Life is a terrible experiment: we are born to die and we know it. This single reality makes every human being a tragic philosopher: you look at a person you love—a woman, a man, children—and you know with absolute certainty that they are going to die, that you are going to die! This is unbearable and transforms every human existence into an unsurpassable novel: no literary work will ever reach the cruel grandeur of a human life; barely do we begin to understand the life given to us than we lose it. In a way, a life is but a long agony: the first cry of a baby is the very one that triggers the countdown that will lead to the grave.

All writing is, in this sense, a philosophical work: all laughter, all happiness, all exaltation created by a novel or a poem are certainly victories against death, but victories that are entirely provisional, entirely derisory against the only victor to always be present alone on the final podium: death. But the grandeur of the human being—the only animal endowed with the knowledge of his finitude on earth—is precisely to accumulate these provisional victories in all fields, the field of art and science in particular, and to transmit them to his fellows, whether they be current or, above all, future, thus transforming his tiny ephemeral present into a kind of iterative immortality, transmitted by a long chain stretching back to the appearance of our species.

At heart, literature only has justification because we die. Remove death, and literature becomes useless, if not ridiculous.

A writer grants himself the right to write what he desires, where he desires it, leaving it to him to assume the honor or the dishonor of his writings. Being a writer does not, moreover, give the certainty of being right. Not being one, likewise.

I shall therefore continue to make words appear on my screen until death, on a good morning or a bad evening, taps me on the shoulder and whispers to me: "Come on, son, your lap of the track is over…"

An Algerian writer, Mouloud Mammeri, once wrote: "Those who always wait to recite the final line before exiting the stage are, in my view, mistaken: there is never a final line—or rather, every line is the last. One can halt the noria at nearly any bucket, the ball at any figure of the dance..."

Anouar Benmalek (2016)

 

 

vendredi 5 décembre 2025

Liberté d'expression en Algérie: interview en décembre 2021

 𝑵𝒐𝒖𝒔 𝒔𝒐𝒎𝒎𝒆𝒔 𝒆𝒏 𝒅𝒆́𝒄𝒆𝒎𝒃𝒓𝒆 2025. 𝑱'𝒂𝒊 𝒅𝒐𝒏𝒏𝒆́ 𝒄𝒆𝒕𝒕𝒆 𝒊𝒏𝒕𝒆𝒓𝒗𝒊𝒆𝒘 à Berbère TV en 2021 𝒍𝒐𝒓𝒔 𝒅𝒆 𝒍𝒂 𝒑𝒂𝒓𝒖𝒕𝒊𝒐𝒏 𝒅'𝒖𝒏 𝒑𝒓𝒆́𝒄𝒆́𝒅𝒆𝒏𝒕 𝒍𝒊𝒗𝒓𝒆. 𝑸𝒖𝒆𝒍𝒒𝒖𝒆𝒔 𝒂𝒏𝒏𝒆́𝒆𝒔 𝒂𝒑𝒓𝒆̀𝒔, mon propos 𝒓𝒆𝒔𝒕𝒆 𝒎𝒂𝒍𝒉𝒆𝒖𝒓𝒆𝒖𝒔𝒆𝒎𝒆𝒏𝒕 𝒆𝒏𝒄𝒐𝒓𝒆 𝒅'𝒂𝒄𝒕𝒖𝒂𝒍𝒊𝒕𝒆́...


Cliquer sur Liberté d'expression an Algérie pour voir la vidéo





Here is the English translation of the text by an AI. Consequently, contextual inaccuracies or errors in meaning may occur.



It is December 2025. I gave this interview to Berbère TV in 2021 upon the release of a previous book. A few years later, my words remain, unfortunately, as relevant as ever...




mercredi 26 novembre 2025

𝐈𝐫𝐢𝐧𝐚, 𝐮𝐧 𝐨𝐩𝐞́𝐫𝐚 𝐫𝐮𝐬𝐬𝐞: "𝐕𝐄𝐑𝐓𝐈𝐆𝐄 𝐃𝐄 𝐋’𝐀𝐌𝐎𝐔𝐑... 𝐇𝐄𝐔𝐑𝐄𝐔𝐒𝐄 𝐒𝐔𝐑𝐏𝐑𝐈𝐒𝐄... 𝐁𝐈𝐄𝐍 𝐃𝐔 𝐓𝐀𝐋𝐄𝐍𝐓... 𝐂𝐀𝐏𝐓𝐈𝐕𝐀𝐍𝐓𝐄" (Le Figaro Magazine)

★★★ (𝕟𝕠𝕥𝕖́ 𝕋ℝ𝔼𝕊 𝔹𝕀𝔼ℕ) 𝐈𝐫𝐢𝐧𝐚, 𝐮𝐧 𝐨𝐩𝐞́𝐫𝐚 𝐫𝐮𝐬𝐬𝐞, 𝐝’𝐀𝐧𝐨𝐮𝐚𝐫 𝐁𝐞𝐧𝐦𝐚𝐥𝐞𝐤, 𝐄𝐦𝐦𝐚𝐧𝐮𝐞𝐥𝐥𝐞 𝐂𝐨𝐥𝐥𝐚𝐬, 𝟒𝟕𝟎 𝐩., 𝟐𝟐,𝟗𝟎 €.

Le Figaro Magazine, 𝟣𝟧 𝗇𝗈𝗏 𝟤𝟢𝟤𝟧

𝖯𝗈𝗎𝗋 𝗊𝗎𝗂 𝗅’𝖺 𝗉𝖾𝗋𝖽𝗎𝖾 𝖽𝖾𝗉𝗎𝗂𝗌 𝗅𝗈𝗇𝗀𝗍𝖾𝗆𝗉𝗌, 𝗅𝖺 𝗃𝖾𝗎𝗇𝖾𝗌𝗌𝖾 𝖾𝗌𝗍 𝗎𝗇𝖾 𝗍𝖾𝗋𝗋𝖾 𝖽𝖺𝗇𝗀𝖾𝗋𝖾𝗎𝗌𝖾, 𝗏𝗈𝗎𝗅𝗈𝗂𝗋 𝗅𝖺 𝗋𝖾𝗏𝗂𝗌𝗂𝗍𝖾𝗋 𝗇’𝖾𝗌𝗍 𝗉𝖺𝗌 𝗌𝖺𝗇𝗌 𝗋𝗂𝗌𝗊𝗎𝖾𝗌, 𝗌𝗎𝗋𝗍𝗈𝗎𝗍 𝗌𝗂 𝖾𝗅𝗅𝖾 𝗌’𝖾𝗌𝗍 𝖾𝗇 𝗉𝖺𝗋𝗍𝗂𝖾 𝖽𝖾́𝗋𝗈𝗎𝗅𝖾́𝖾 𝖽𝖺𝗇𝗌 𝗎𝗇 𝗉𝖺𝗒𝗌 𝖽𝖾𝗉𝗎𝗂𝗌 𝗅𝗈𝗋𝗌 𝖽𝗂𝗌𝗉𝖺𝗋𝗎 : 𝗅’𝖴𝗇𝗂𝗈𝗇 𝗌𝗈𝗏𝗂𝖾́𝗍𝗂𝗊𝗎𝖾. 𝖢𝗈𝗇𝖽𝗎𝗂𝗍 𝖺̀ 𝖫𝖾𝗇𝗂𝗇𝗀𝗋𝖺𝖽 𝗉𝖺𝗋 𝗎𝗇𝖾 𝗍𝗁𝖾̀𝗌𝖾 𝗌𝗎𝗋 𝖭𝖺𝗉𝗈𝗅𝖾́𝗈𝗇, 𝖶𝖺𝗅𝗂𝖽 𝗒 𝖺 𝖼𝗈𝗇𝗇𝗎 « 𝗅𝖾 𝗆𝗂𝗋𝖺𝖼𝗅𝖾 𝖽𝖾 𝗅𝖺 𝖼𝖺𝗅𝖺𝗆𝗂𝗍𝖾́ 𝖽𝖾 𝗅’𝖺𝗆𝗈𝗎𝗋 » 𝖾𝗇 𝗋𝖾𝗇𝖼𝗈𝗇𝗍𝗋𝖺𝗇𝗍 𝖨𝗋𝗂𝗇𝖺 𝖺𝗎 𝖬𝗎𝗌𝖾́𝖾 𝖽𝖾 𝗅’𝖤𝗋𝗆𝗂𝗍𝖺𝗀𝖾. 𝖬𝗒𝗌𝗍𝖾́𝗋𝗂𝖾𝗎𝗌𝖾, 𝖿𝖺𝖼𝖾́𝗍𝗂𝖾𝗎𝗌𝖾 𝖾𝗍 𝗌𝖾𝗇𝗌𝗎𝖾𝗅𝗅𝖾. 𝖴𝗇𝖾 𝗃𝖾𝗎𝗇𝖾 𝖿𝖾𝗆𝗆𝖾 𝖼𝗈𝗆𝗆𝖾 𝗂𝗅 𝗇’𝖾𝗇 𝖺𝗏𝖺𝗂𝗍 𝖼𝗋𝗈𝗂𝗌𝖾́ 𝗊𝗎𝖾 𝖼𝗁𝖾𝗓 𝖳𝗈𝗅𝗌𝗍𝗈𝗂̈. 𝖬𝖺𝗂𝗌 𝗅𝖾𝗌 𝖺𝗎𝗍𝗈𝗋𝗂𝗍𝖾́𝗌 𝗌’𝖾𝗇 𝗆𝖾̂𝗅𝖾𝗇𝗍, 𝗅’𝗂𝖽𝗒𝗅𝗅𝖾 𝗍𝗈𝗎𝗋𝗇𝖾 𝖼𝗈𝗎𝗋𝗍, 𝖾𝗑𝗉𝗎𝗅𝗌𝖾́ 𝖽𝗎 𝗃𝗈𝗎𝗋 𝖺𝗎 𝗅𝖾𝗇𝖽𝖾𝗆𝖺𝗂𝗇, 𝖶𝖺𝗅𝗂𝖽 𝗇𝖾 𝗌’𝖾𝗇 𝗋𝖾𝗆𝖾𝗍𝗍𝗋𝖺 𝗉𝖺𝗌. 𝖫𝖾𝗌 𝖺𝗆𝗈𝗎𝗋𝗌 𝖻𝗋𝖾̀𝗏𝖾𝗌 𝗉𝗋𝖾𝗇𝖺𝗇𝗍 𝗏𝗈𝗅𝗈𝗇𝗍𝗂𝖾𝗋𝗌 𝗅𝖺 𝗆𝖾́𝗆𝗈𝗂𝗋𝖾 𝖾𝗇 𝗈𝗍𝖺𝗀𝖾, 𝗂𝗅 𝖺𝗍𝗍𝖾𝗇𝖽𝗋𝖺 𝗅𝖾 𝗌𝖾𝗎𝗂𝗅 𝖽𝖾 𝗅𝖺 𝗏𝗂𝖾𝗂𝗅𝗅𝖾𝗌𝗌𝖾 𝗉𝗈𝗎𝗋 𝗆𝖾𝗍𝗍𝗋𝖾 𝗌𝗎𝗋 𝗉𝗂𝖾𝖽 𝗎𝗇 𝖽𝖾́𝗅𝗂𝗋𝖺𝗇𝗍 𝗉𝗋𝗈𝗃𝖾𝗍 𝖽𝖾 𝗋𝖾𝗍𝗋𝗈𝗎𝗏𝖺𝗂𝗅𝗅𝖾𝗌.

𝖧𝖾𝗎𝗋𝖾𝗎𝗌𝖾 𝗌𝗎𝗋𝗉𝗋𝗂𝗌𝖾 𝗊𝗎𝖾 𝖼𝖾𝗍𝗍𝖾 𝗁𝗂𝗌𝗍𝗈𝗂𝗋𝖾 𝖽𝗈𝗇𝗍 𝗈𝗇 𝗉𝗈𝗎𝗏𝖺𝗂𝗍 𝗅𝖾́𝗀𝗂𝗍𝗂𝗆𝖾𝗆𝖾𝗇𝗍 𝗌𝖾 𝗆𝖾́𝖿𝗂𝖾𝗋 𝖾𝗇 𝗋𝖺𝗂𝗌𝗈𝗇 𝖽’𝗎𝗇 𝗌𝖾𝗇𝗍𝗂𝗆𝖾𝗇𝗍𝖺𝗅𝗂𝗌𝗆𝖾 𝖾𝗑𝖺𝖼𝖾𝗋𝖻𝖾́. 𝖨𝗅 𝖿𝖺𝗎𝗍 𝖺𝗏𝗈𝗂𝗋 𝖻𝗂𝖾𝗇 𝖽𝗎 𝗍𝖺𝗅𝖾𝗇𝗍 𝗉𝗈𝗎𝗋 𝖿𝖺𝗂𝗋𝖾 𝗊𝗎’𝗎𝗇𝖾 𝗍𝖾𝗅𝗅𝖾 𝖻𝗅𝗎𝖾𝗍𝗍𝖾 𝗌𝗈𝗂𝗍 𝗉𝗅𝖺𝗎𝗌𝗂𝖻𝗅𝖾, 𝗆𝗂𝖾𝗎𝗑 𝖾𝗇𝖼𝗈𝗋𝖾, 𝖼𝖺𝗉𝗍𝗂𝗏𝖺𝗇𝗍𝖾.

𝖨𝗅 𝖾𝗌𝗍 𝗏𝗋𝖺𝗂 𝗊𝗎𝖾, 𝖿𝗂𝗇 𝖼𝗈𝗇𝗇𝖺𝗂𝗌𝗌𝖾𝗎𝗋 𝖽𝗎 𝗆𝗈𝗇𝖽𝖾 𝗌𝗅𝖺𝗏𝖾, 𝗅’𝖺𝗎𝗍𝖾𝗎𝗋 𝗒 𝗂𝗇𝗍𝗋𝗈𝖽𝗎𝗂𝗍 𝗎𝗇 𝖾́𝗉𝗂𝗌𝗈𝖽𝖾 𝗉𝖾𝗎 𝖼𝗈𝗇𝗇𝗎 𝖽𝗎 𝗌𝗍𝖺𝗅𝗂𝗇𝗂𝗌𝗆𝖾 : 𝑙𝘦 𝘨𝑒́𝘯𝑜𝘤𝑖𝘥𝑒 𝑑𝘦𝑠 𝑛𝘰𝑚𝘢𝑑𝘦𝑠 𝑑𝘶 𝘒𝑎𝘻𝑎𝘬ℎ𝘴𝑡𝘢𝑛 𝑎𝘧𝑓𝘢𝑚𝘦́𝑠 𝑒𝘯 𝘷𝑢𝘦 𝘥’𝘪𝑚𝘱𝑜𝘴𝑒𝘳 𝘭𝑎 𝑐𝘰𝑙𝘭𝑒𝘤𝑡𝘪𝑣𝘪𝑠𝘢𝑡𝘪𝑜𝘯 𝘥𝑒𝘴 𝘵𝑒𝘳𝑟𝘦𝑠. 𝖴𝗇 𝗋𝗈𝗆𝖺𝗇 𝗉𝗅𝗎𝗌 𝗉𝗋𝗈𝖿𝗈𝗇𝖽 𝗊𝗎’𝗂𝗅 𝗇’𝖾𝗇 𝖺 𝗅’𝖺𝗂𝗋.

𝖤́𝗅𝗂𝗌𝖺𝖻𝖾𝗍𝗁 𝖡𝖺𝗋𝗂𝗅𝗅𝖾́

 


Here is the English translation of the text by an AI. Consequently, contextual inaccuracies or errors in meaning may occur.



★★★ (RATED VERY GOOD) Irina, a Russian Opera, by Anouar Benmalek, Emmanuelle Collas, 470 p., €22.90.

Le Figaro Magazine, Nov 15, 2025


For those who lost it long ago, youth is a perilous land; to seek to revisit it is not without risk, especially if that youth unfolded in a country that has since vanished: the Soviet Union. Drawn to Leningrad by a thesis on Napoleon, Walid encountered there "the miracle of love’s calamity" upon meeting Irina at the Hermitage Museum. Mysterious, mischievous, and sensual, she was a young woman the likes of whom he had only ever encountered in the pages of Tolstoy. But the authorities intervened, and the idyll was cut short; expelled overnight, Walid would never truly recover. Since brief love affairs so readily take memory hostage, he would wait until the threshold of old age to set in motion a delirious plan for their reunion.

This story is a happy surprise, one which might have reasonably invited wariness due to its heightened sentimentalism. It requires great talent indeed to render such a romance plausible—better still, captivating.

It is true that the author, a fine connoisseur of the Slavic world, weaves into the narrative a little-known episode of Stalinism: the genocide of the Kazakh nomads, starved into submission to enforce the collectivization of the land. A novel far deeper than it first appears.

Élisabeth Barillé