vendredi 5 décembre 2025

Liberté d'expression en Algérie: interview en décembre 2021

 𝑵𝒐𝒖𝒔 𝒔𝒐𝒎𝒎𝒆𝒔 𝒆𝒏 𝒅𝒆́𝒄𝒆𝒎𝒃𝒓𝒆 2025. 𝑱'𝒂𝒊 𝒅𝒐𝒏𝒏𝒆́ 𝒄𝒆𝒕𝒕𝒆 𝒊𝒏𝒕𝒆𝒓𝒗𝒊𝒆𝒘 à Berbère TV en 2021 𝒍𝒐𝒓𝒔 𝒅𝒆 𝒍𝒂 𝒑𝒂𝒓𝒖𝒕𝒊𝒐𝒏 𝒅'𝒖𝒏 𝒑𝒓𝒆́𝒄𝒆́𝒅𝒆𝒏𝒕 𝒍𝒊𝒗𝒓𝒆. 𝑸𝒖𝒆𝒍𝒒𝒖𝒆𝒔 𝒂𝒏𝒏𝒆́𝒆𝒔 𝒂𝒑𝒓𝒆̀𝒔, mon propos 𝒓𝒆𝒔𝒕𝒆 𝒎𝒂𝒍𝒉𝒆𝒖𝒓𝒆𝒖𝒔𝒆𝒎𝒆𝒏𝒕 𝒆𝒏𝒄𝒐𝒓𝒆 𝒅'𝒂𝒄𝒕𝒖𝒂𝒍𝒊𝒕𝒆́...


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𝟏𝟖 𝐧𝐨𝐯𝐞𝐦𝐛𝐫𝐞 𝟐𝟎𝟐𝟏 - - Anouar Benmalek est l'invité de Actuyal sur Berbère Télévision :


"𝑳𝒂 𝒍𝒊𝒃𝒆𝒓𝒕𝒆́ 𝒅𝒆𝒙𝒑𝒓𝒆𝒔𝒔𝒊𝒐𝒏 𝒆𝒔𝒕 𝒖𝒏 𝒅𝒓𝒐𝒊𝒕, 𝒑𝒂𝒔 𝒖𝒏𝒆 𝒇𝒂𝒗𝒆𝒖𝒓 !"

 

Anouar Benmalek : Les pays deviennent de grands pays s’ils admettent pour fondement de leur société la liberté de pensée et d’expression. Si l’Algérie ne le veut pas, eh bien elle deviendra un petit pays, un petit pays que ses enfants haïront, qu’ils voudront quitter au prix de leur vie — c'est ce qu'on voit d'ailleurs.

Si l’Algérie persiste à avoir ce comportement de pays intolérant, qui voudra être Algérien ? Ne resteront que ceux qui ne peuvent pas aller ailleurs. C’est terrible, ce constat d’échec quand on voit des jeunes de quartier en Algérie ne penser qu’à une chose: ce que le président appelle « le rêve européen ». Mais pourquoi n’y a-t-il pas de « rêve algérien » ?

Pourquoi ce désir de fuite, alors que les jeunes qui vont en France ne se font guère d’illusions ? Ils n’ignorent rien de ce qui les attend  — les télévisions   françaises les informent bien assez sur cela. Mais ils préfèrent cela au lieu de rester en Algérie et de ne pas «  vivre ».

En ce qui concerne  la liberté d’expression, il faut que l’on s’entende une fois pour toutes : c’est un droit, ce n’est pas une faveur ! C’est un droit qui est supérieur à la Constitution, c’est le droit naturel qu’on acquiert à sa naissance  : personne ne devrait nous interdire de dire ce qu’on pense. La loi peut l’interdire, le président peut l’interdire, l’armée peut l’interdire, reste qu’ils auront tort !

Ce qui va décider du choix de l’Algérie d’être un grand pays ou un petit pays rabougri, ce sera la liberté qu’auront les citoyens de critiquer leurs dirigeants, de dire ce qu’ils pensent, de croire ou de ne pas croire, de critiquer ou de ne pas critiquer la religion, etc. Il ne doit  y avoir aucun "absolu" résistant au droit des citoyens de s'exprimer pacifiquement, et le seul risque, je le répète, que prendrait l'Algérie avec cette liberté d'expression, serait justement d'accomplir ce qui devrait être son ambition naturelle: devenir un grand pays.

𝐁𝐫𝐓𝐯 : Mais vous avez l’impression que notamment après le Hirak et après le départ de l’ancien président — on est presque maintenant à deux ans des élections présidentielles — vous avez l’impression que l’Algérie a reculé, notamment dans ce domaine des libertés individuelles et  publiques ?

Anouar Benmalek : Ce n’est même pas une impression, c’est une réalité. Il n’y a jamais eu autant de prisonniers politiques. C’est même étrange que l’on puisse ne pas dire tout de suite que l’Algérie a reculé. Combien y a-t-il de gens qui sont en prison pour des futilités ?

Si, par exemple, on utilisait en France les mêmes raisons pour mettre des opposants algériens en prison, si l’État français appliquait les mêmes normes, la quasi-totalité du personnel politique français serait en prison. En Algérie, un président de parti algérien a pu critiquer la politique du président algérien — ce qui est le rôle même d’un opposant — et s’est, presque aussitôt,  retrouvé  en prison pour ses publications sur Facebook. C’est un véritable cauchemar.

Que l’on puisse, parce que vous avez écrit sur un réseau social, soutenir que vous menacez l’unité de la nation, que vous touchez ainsi aux intérêts de l’Algérie, que vous puissiez même, dans certains cas, porter atteinte à l’armée, à la sécurité nationale, cela est à la fois choquant et révoltant. C’est relève du stalinisme, mais dans sa forme la plus ridicule.

Le premier geste que devrait faire le pouvoir algérien, s’il veut rendre son sens au mot « vivre comme un citoyen », c’est d’abord libérer tous ces citoyens emprisonnés à tort. Je crois que beaucoup de gens en Algérie se sont trop rapidement "accommodés"  que tant d’innocents croupissent en prison. Cela revient en fait à abandonner à leur sort les militants du Hirak qui se sont battus au prix de leur liberté  pour la liberté de tous.

Beaucoup trop d’intellectuels et de journalistes ont "choisi" de considérer cette situation comme presque normale. Je ne vois pas  dans la presse algérienne, que je lis pourtant quotidiennement, d’articles soulignant  combien il est injuste que tant de jeunes soient jetés en prison pour avoir manifesté leur désir de changement.

Maintenant, la situation est telle que, si vous affirmez que telle chose manque, que le prix de la pomme de terre est trop élevé et que vous en rendez coupable les services de l’État, eh bien vous risquez de finir derrière les barreaux. C’est ce que sous-entend, par exemple, le nouveau ministre de l’Information en disant que celui qui répand de fausses informations sur le prix des denrées alimentaires  attenterait à la sécurité de l’État. Quelle idée scandaleuse !

Même un médecin peut être condamné  en Algérie à de la prison ferme pour avoir émis des critiques sur son secteur. Tout le monde en Algérie connaît la situation des établissements de santé  du pays. Ma mère est morte dans un hôpital algérien dans des conditions épouvantables et n'importe quel Algérien vous le confirmera par un proverbe sévère : « Seuls ceux que Dieu aime ne vont pas à l’hôpital » (Li habou rabi ma yrouech lel sbitar). Si, donc, vous filmez ce qui se passe dans un hôpital,  si, preuves à l’appui, vous énoncez publiquement cette vérité banale de l’état déplorable des hôpitaux algériens, eh bien vous risquez de vous retrouver accusé de porter atteinte à l'État, à sa sûreté, etc.

L’Algérie ne mérite pas ça!

 

Ps : la transcription a été marginalement éditée pour en faciliter la lecture


Here is the English translation of the text by an AI. Consequently, contextual inaccuracies or errors in meaning may occur.


 

November 18, 2021: Anwar Benmalek as Guest of Actuyal on Berbère Télévision

 

"Freedom of expression is a right, not a favor!"

Anouar Benmalek: Nations ascend to true greatness only if they embrace freedom of thought and expression as the very bedrock of their society. Should Algeria refuse this path, she shall dwindle into a minor nation—a small country loathed by her own children, who will seek to flee her at the cost of their lives. Indeed, this is the very spectacle we behold today.

If Algeria persists in this posture of intolerance, who would truly desire to be Algerian? Only those with no recourse to go elsewhere will remain. It is a harrowing admission of failure to see the youth of Algeria’s neighborhoods consumed by a single obsession: what the President terms the "European dream." But why is there no "Algerian dream"?

Why this desperate urge for flight, even as the youth who depart for France harbor few illusions? They are acutely aware of what awaits them; the French television networks inform them well enough. Yet, they prefer that uncertainty to remaining in Algeria and failing to truly "live."

Regarding the freedom of expression, we must reach a clear understanding once and for all: it is a right, not a favor! It is a right superior to the Constitution; it is the natural right one acquires at birth. No one should have the power to forbid us from speaking our minds. The law may forbid it, the President may forbid it, the army may forbid it—yet they remain in the wrong.

Algeria’s destiny—whether to be a great nation or a withered, stunted one—will be decided by the freedom afforded to its citizens to critique their leaders, to speak their truths, to believe or disbelieve, and to question religion. There must be no "absolute" that stands against the right of citizens to express themselves peacefully. The only risk Algeria takes in granting this freedom, I repeat, is the risk of finally achieving its natural ambition: becoming a great country.

BrTv: But do you have the impression—especially following the Hirak and the departure of the former President, nearly two years now since the presidential elections—that Algeria has regressed, particularly in the realm of individual and public liberties?

Anouar Benmalek: It is more than an impression; it is a reality. Never before have there been so many political prisoners. It is passing strange that one could hesitate to say immediately that Algeria has regressed. How many souls languish in prison for mere trivialities?

If, for instance, France used the same pretexts to imprison political opponents, or if the French State applied the same standards, nearly the entire French political class would be behind bars. In Algeria, the leader of a political party dared to criticize the President’s policies—the very essence of an opponent’s role—and found himself almost instantly imprisoned for his posts on Facebook. It is a living nightmare.

That one might maintain—merely because of a few words written upon a social network—that you threaten the unity of the nation, that you thereby undermine the interests of Algeria, or that you could even, in certain instances, be deemed to have assailed the army or national security, is both shocking and abhorrent. It is a vestige of Stalinism, yet rendered in its most farcical and ridiculous form.

The first gesture the Algerian authorities must make, if they wish to restore meaning to the concept of "living as a citizen," is the immediate release of all those wrongfully imprisoned. I fear too many in Algeria have become "accommodated" far too quickly to the sight of so many innocents rotting in prison. To do so is to abandon the Hirak activists who sacrificed their own liberty for the freedom of us all.

Far too many intellectuals and journalists have "chosen" to view this situation as nearly normal. In the Algerian press, which I read daily, I see no articles emphasizing the profound injustice of so many young people being cast into prison for merely manifesting their desire for change.

The situation has reached such a point that, if you affirm that a certain necessity is lacking—if you claim the price of potatoes is too high and hold the State services responsible—you risk ending up behind bars. This is what the new Minister of Information implies by suggesting that anyone spreading "false information" regarding food prices is threatening State security. What a scandalous notion!

Even a doctor in Algeria can be sentenced to a firm prison term for voicing criticism of his sector. Everyone in Algeria knows the state of the country’s health facilities. My own mother died in an Algerian hospital under appalling conditions. Any Algerian will confirm this reality with that grim proverb: "Only those whom God loves do not go to the hospital" (Li habou rabi ma yrouech lel sbitar). Thus, if you film the reality of a hospital—if you publicly state the banal truth of the deplorable state of Algerian healthcare with evidence in hand—you risk being accused of undermining the State and its security.

Algeria does not deserve this!


P.S. The transcript has been marginally edited for clarity and readability.


 





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