lundi 22 décembre 2025

Irina, un opéra russe: "Puissant et poétique... Dans la plus pure tradition des grands romans russes", RFI, 21 décembre 2025



Le roman russe de l’Algérien Anouar Benmalek

ᴘᴀʀ Tɪʀᴛʜᴀɴᴋᴀʀ Cʜᴀɴᴅᴀ, Publié le : 21/12/2

CHEMINS D'ÉCRITURE, RFI

Avec son nouveau roman, Irina, un opéra russe, paru cet automne, le Franco-Algérien Anouar Benmalek poursuit son exploration de romance et d’effusions sentimentales en temps de répressions et de violences politiques. Dans la plus pure tradition des grands romans russes, l’écrivain raconte dans cet opus l’épanouissement d’un amour passionnel dans l’ancienne Union soviétique des années 1980, sur fond des révélations sur les ténèbres staliniennes. Puissant et poétique.




Leningrad 1981. « Sais-tu à quelle condition j'accepterais d'endurer l'éternité du paradis ? Seulement, si, par extraordinaire, Dieu avait la somptueuse idée d'y construire, non loin de la grande bibliothèque de l'Arbre de la Connaissance, un opéra tout plein de dorures avec au programme les artistes lyriques les plus doués depuis Ève. La première prima donna. »
Irina ajouta à voix plus basse, avec un sourire de convoitise : « Et mieux encore, si le maître des lieux poussait l'indulgence jusqu'à porter mon nom sur l'affiche et à m'autoriser à répéter autant de fois que je souhaite afin d'accéder à la splendeur de la voix absolue... »

Ainsi s’ouvre Irina, un opéra russe, le nouveau roman du Franco-Algérien Anouar Benmalek. C’est un récit d’une grande intelligence narrative, de près de 500 pages où se mêlent romance intime et fresques historiques, sexe, musique et violences, sur fond de quête de bonheur perdu.

Auteur de nombreux romans, Anouar Benmalek nous a habitués à sa plume tragique qui explore la vérité de l’humain au cœur des violences de l’histoire, à travers sa fiction campée. Tantôt chez les Aborigènes en Tasmanie victimes de génocide (L’enfant du peuple ancien, 2000), ou dans les camps des réfugiés palestiniens pendant la guerre civile libanaise (L’amour loup, 2002), mais aussi chez les Hereros décimés par la colonisation allemande (Fils du Shéol, 2015) ou encore au sein de la communauté morisque dans l’Andalousie médiévale (O Maria, 2006).

Irina, opéra russe, son nouveau roman ne déroge pas à la règle. Il nous plonge dans les tragédies de l’histoire russe postrévolutionnaire, dans ses fracas et ses tumultes, ce qui n’exclut pas l’admiration pour la civilisation russe millénaire, comme le dit si bien Anouar Benmalek : « Ce pays est grandiose, extraordinaire par tous les aspects, par sa beauté, son immensité, sa littérature et aussi par l'étendue des crimes qui ont pu être commis pour faire naître l'homme soviétique nouveau. La Russie a eu beaucoup d’influence sur moi. Je crois que ce qu'on pourrait appeler ma vocation d'artisan romancier vient de cet éblouissement que m'a fait la grandeur de ce pays. Grandeur en tout, c'est quelque chose qu'on résume assez facilement par l'âme russe, chose qui est un vocable un peu trop facile, mais il y a quand même un peu de ça. »


Les années russes
L’écrivain aime revenir sur ses années russes et raconter comment son séjour entre Odessa, Kiev, Moscou et Léningrad dans une Union soviétique qui n’avait pas encore dit son dernier mot, a profondément marqué son imaginaire. C’est en 1978 qu’il a quitté l’Algérie, son pays natal, et a débarqué dans l’ancienne Union soviétique, avec une bourse du gouvernement hôte en poche pour préparer un doctorat en mathématiques.

Anouar Benmalek : « Je venais d’une petite ville provinciale que j’aime beaucoup, Constantine. Je ne connaissais quasiment rien au monde. Et là-bas, je tombe dans le fracas de l’histoire et de la culture, et de la musique, et de la littérature et de la poésie. Quand on m’a donné la bourse pour l’URSS, je me rappelle, on était deux à l’avoir. On ne savait pas à l’époque s’il fallait pleurer ou en être content. Mon collègue, lui, a refusé d’y aller, mais moi j’y suis allé parce que je n’avais pas assez de piston pour partir ailleurs. Mais a posteriori, je n’ai jamais regretté d'y être allé. J’ai beaucoup beaucoup aimé être en URSS. »

 

Irina, un opéra russe
Le roman s’inspire de l’expérience russe de l’auteur. L’étudiant étranger s’appelle dans ces pages Walid, principal protagoniste de l’histoire. Il est le double de l’auteur à la fois par ses origines et par sa sensibilité. Lui aussi étudiant, il prépare une thèse, à la différence près que ses recherches ne portent pas sur les mathématiques, mais sur l’histoire et plus précisément sur l’expédition en Égypte de Napoléon.

Amoureux de l’histoire mais aussi de l’art occidental, Walid profite de son séjour en Russie pour visiter les musées et les monuments. Un matin, en faisant la queue à l’entrée du musée de l’Ermitage, son chemin croise celui de la belle Irina Rostova, par le plus romanesque des hasards. C’est le début d’une histoire d’amour passionnelle entre la talentueuse soprano qui ambitionne de faire carrière dans l’opéra lyrique et le bel Algérien. Le roman est bâti autour de leur amour-passion qui survivra à leur séparation lorsqu’à la fin de ses études, Walid est contraint de quitter la Russie. Au terme de 40 années d’absence, il revient fouler la terre russe dans l’espoir de retrouver son Irina.

Brutalités et rédemption
Construite comme un opéra avec une ouverture et un final dramatique, le récit ici se partage entre passion, tragédie et drames historiques. La dimension historique est incarnée par un certain Vladimir, le grand-père tendrement admiré d’Irina. C’est lui qui a donné à sa petite-fille le goût pour la musique, mais se révèle avoir été un bourreau pendant les années sombres de la dictature stalinienne. C’est un tournant dans la vie d’Irina, sa découverte du rôle terrible et cynique joué par son grand-père dans les années 1930 au Kazakhstan, où il fut le bras armé du dictateur et fit régner famines, répressions et moult brutalités sur le peuple kazakh. À partir de ce moment, elle va abandonner sa carrière qui s’annonçait radieuse pour essayer de racheter les crimes de son aïeul.

Les 40 années d’éloignement n’ont pas été un long fleuve tranquille pour Walid, non plus. Prisonnier d’un mariage de raison, victime lui aussi des épreuves de l’histoire lorsque l’Algérie s’enflamme dans les années 1980 et dérive vers la guerre civile sous les coups de boutoir des islamistes, l’Algérien vit dans le ressassement de ses souvenirs d’un Éden perdu. Pourra-t-il regagner l’Éden, reconquérir son Ève et colmater les brèches créées par l’éloignement et la séparation : telles sont les questions auxquelles répond le final explosif du roman, dans le plus pur style des pièces d’opéra.

Avec Irina, un opéra russe, le Franco-Algérien Anouar Benmalek signe un grand roman des temps modernes, puissant et poétique, dans les pages duquel le réalisme social se mêle au merveilleux du quotidien, dans la veine de la tradition des Tolstoï, Pouchekine, Boulgakov et autres grands romanciers russes.


Irina, un opéra russe, par Anouar Benmalek. Editions Emmanuelle Collas, 475 pages, 22,90 euros.




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Here is the English translation of the text by an AI. Consequently, contextual inaccuracies or errors in meaning may occur.


The Russian Novel of Algerian Author Anouar Benmalek

BY Tirthankar Chanda, Published on: 21/12/21 CHEMINS D'ÉCRITURE, RFI

With his new novel, Irina, un opéra russe (Irina, a Russian Opera), published this autumn, Franco-Algerian author Anouar Benmalek continues his exploration of romance and sentimental outpourings amidst times of repression and political violence. In the purest tradition of the great Russian novels, the writer recounts the blossoming of a passionate love in the Soviet Union of the 1980s, set against the backdrop of revelations regarding the darkness of the Stalinist era. Powerful and poetic.

Leningrad, 1981. "Do you know on what condition I would agree to endure the eternity of paradise? Only if, by some extraordinary chance, God had the magnificent idea of building—not far from the Great Library of the Tree of Knowledge—an opera house dripping in gold, featuring the most gifted lyric artists since Eve. The first prima donna." Irina added in a lower voice, with a covetous smile: "And even better, if the Master of the house was indulgent enough to put my name on the poster and allow me to rehearse as many times as I wish to achieve the splendor of the absolute voice..."

So begins Irina, un opéra russe, the new novel by Franco-Algerian author Anouar Benmalek. It is a narrative of great narrative intelligence, spanning nearly 500 pages, where intimate romance mingles with historical frescoes, sex, music, and violence, all set against a quest for lost happiness.

The author of numerous novels, Anouar Benmalek has accustomed us to a tragic pen that explores human truth at the heart of historical violence through his grounded fiction. This has taken place among Tasmanian Aborigines victims of genocide (L’enfant du peuple ancien, 2000), in Palestinian refugee camps during the Lebanese Civil War (L’amour loup, 2002), among the Hereros decimated by German colonization (Fils du Shéol, 2015), or within the Morisco community in medieval Andalusia (O Maria, 2006).

Irina, un opéra russe, his latest novel, is no exception to the rule. It plunges us into the tragedies of post-revolutionary Russian history, its clashes and upheavals, which does not exclude an admiration for a thousand-year-old Russian civilization. As Anouar Benmalek aptly puts it: "This country is grandiose, extraordinary in every aspect—its beauty, its immensity, its literature, and also the extent of the crimes that were committed to give birth to the 'New Soviet Man.' Russia had a great influence on me. I believe that what one might call my vocation as a 'novelist-craftsman' comes from the dazzle that the greatness of this country cast upon me. Greatness in everything—something easily summarized by the 'Russian soul,' a term that is perhaps a bit too convenient, but there is still some truth to it."

The Russian Years

The writer enjoys looking back on his Russian years, recounting how his stay between Odessa, Kyiv, Moscow, and Leningrad—in a Soviet Union that had not yet spoken its final word—profoundly marked his imagination. It was in 1978 that he left Algeria, his native country, and landed in the former Soviet Union with a host government scholarship in hand to prepare a doctorate in mathematics.

Anouar Benmalek: "I came from a small provincial town that I love dearly, Constantine. I knew almost nothing of the world. And there, I fell into the clash of history, culture, music, literature, and poetry. When I was given the scholarship for the USSR, I remember there were two of us who received it. At the time, we didn't know whether to cry or be happy about it. My colleague refused to go, but I went because I didn't have enough 'pull' to go elsewhere. But in hindsight, I have never regretted going. I very, very much loved being in the USSR."

Irina, a Russian Opera

The novel is inspired by the author’s Russian experience. The foreign student in these pages is named Walid, the story's main protagonist. He is the author’s double, both in his origins and his sensibility. He, too, is a student preparing a thesis, with the slight difference that his research is not in mathematics but in history—specifically, Napoleon’s expedition to Egypt.

A lover of history but also of Western art, Walid takes advantage of his stay in Russia to visit museums and monuments. One morning, while queuing at the entrance to the Hermitage Museum, his path crosses that of the beautiful Irina Rostova by the most romantic of chances. It is the beginning of a passionate love story between the talented soprano, who aspires to a career in lyric opera, and the handsome Algerian. The novel is built around their "amour-passion" which survives their separation when, at the end of his studies, Walid is forced to leave Russia. After 40 years of absence, he returns to Russian soil in the hope of finding his Irina.

Brutalities and Redemption

Constructed like an opera with an overture and a dramatic finale, the narrative here is divided between passion, tragedy, and historical drama. The historical dimension is embodied by a certain Vladimir, Irina's tenderly admired grandfather. It was he who gave his granddaughter a taste for music, yet he is revealed to have been an executioner during the dark years of Stalin's dictatorship. This is a turning point in Irina’s life: her discovery of the terrible and cynical role played by her grandfather in the 1930s in Kazakhstan, where he was the dictator’s iron fist, overseeing famines, repressions, and countless brutalities against the Kazakh people. From that moment on, she abandons her promising career to try and redeem her ancestor's crimes.

The 40 years of separation were not a smooth journey for Walid either. Trapped in a marriage of convenience and himself a victim of historical trials—as Algeria went up in flames in the 1980s and drifted toward civil war under the onslaught of Islamists—the Algerian lives in a constant rumination of his memories of a lost Eden. Can he regain Eden, win back his Eve, and mend the rifts created by distance and time? These are the questions answered by the novel’s explosive finale, in the purest style of operatic works.

With Irina, un opéra russe, Franco-Algerian Anouar Benmalek delivers a great modern novel, powerful and poetic, in which social realism blends with the "marvelous" of everyday life, in the tradition of Tolstoy, Pushkin, Bulgakov, and other great Russian novelists.

Irina, un opéra russe, by Anouar Benmalek. Editions Emmanuelle Collas, 475 pages, 22.90 euros.




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