samedi 4 avril 2020

Honte à vous, gens du pouvoir algérien, honte à vos valets !
 (27 mars 2020)
 
Ainsi donc, le pouvoir algérien, par le biais d’une justice aux ordres, n’a pas hésité à maintenir en prison des opposants emblématiques et en incarcérer d’autres en profitant cyniquement de l’épidémie de coronavirus ! Tablant sur l’absence du Hirak dans la rue pour cause de nécessaire et vital confinement, le pouvoir et ses sbires se sentent les mains encore plus libres pour châtier par l’emprisonnement ceux qui ont eu le courage de clamer haut et fort leur droit à la citoyenneté : ce que la « justice » algérienne reproche abusivement à Karim Tabbou, Samir Belarbi, Toufik Hassani, Khaled Drareni, Slimane Hamitouche, Hadj Ghermoul et aux centaines d’autres incarcérés ou poursuivis pour des faits similaires, c’est simplement d’avoir osé mettre en œuvre les droits et devoirs que leur reconnait la Constitution : le droit à l’expression et à l’association politiques libres et celui de manifester publiquement et pacifiquement l’opposition au régime, le devoir de combattre la corruption qui gangrène les institutions nationales et celui de transmettre à la nouvelle génération une Algérie plus « propre » et plus fière d’elle-même.

Cette audace incroyable de l’Algérienne et de l’Algérien de se vouloir enfin citoyens, presque soixante ans après l’indépendance et de le clamer haut et fort est insupportable d’impudence pour les différents clans qui constituent le pouvoir algérien ! Les moyens les plus arbitraires sont alors mobilisés par ce dernier pour mater ce peuple rêvant de liberté et que lui, le conglomérat protéiforme qui maltraite l’Algérie, ne considère que comme un ramassis de moutons apeurés tout juste bons à subir une « harwat el klab » (raclée de chiens), selon l’expression amusée d’un sinistre tortionnaire des services de sécurité dans les années quatre-vingts.

Dans le contexte d’épidémie par le coronavirus, le pouvoir sait, sans aucun doute, que ces condamnations à la prison ferme peuvent équivaloir, compte tenu de l’état déplorable des prisons algériennes et de leur surpeuplement, à des condamnations à la maladie par la contamination et à la mort dans certains cas pour les plus faibles. Il compte sans scrupule sur ce canon pointé du révolver-virus sur la tempe des militants de la liberté pour dompter définitivement la révolte citoyenne du peuple algérien.

Honte à vous, gens du pouvoir, divisés peut-être entre différents groupes prédateurs, mais toujours unis dans un semblable mépris envers la nation ! Honte à vous également, valets de ce même pouvoir, qui salissez de manière si indigne le terrible et grave métier de juger des concitoyens, non pas en votre âme et conscience, mais en vous inclinant si lâchement devant les injonctions illégales de vos maîtres du moment !

Vous, hommes de loi, avez des enfants, des mères et des pères, des parents aimés. Comment osez-vous les regarder en face, le soir, quand vous rentrez chez vous, une fois votre sale besogne achevée ?
Et vous, journalistes des médias courtisans du régime, aussi bien gouvernementaux que privés mais tous semblablement stipendiés, ne vous arrive-t-il donc pas de vous sentir écœurés par votre propre et incessante servilité lorsque vous ânonnez à longueur d’articles et de journaux radio et télévisés, toute dignité oubliée, les ridicules louanges dithyrambiques que vous adressiez hier au dirigeant suprême, Bouteflika, que vous adressez avec un identique empressement à Tebboune aujourd’hui ?
Et ne parlons même pas, parmi d’autres exemples aussi misérables, de ce pitoyable « Conseil national des droits de l’Homme » qui, au lieu de défendre ceux dont on bafoue les droits, comme le laisserait pourtant penser l’intitulé ronflant de sa raison sociale, se range avec zèle du côté du côté des oppresseurs, c’est-à-dire de ceux qui, en dernière instance, le récompensent…

Ne pensez cependant pas que vous avez gagné la partie, gens du pouvoir et la valetaille cupide et sans honneur qui vous sert aveuglément. Le Hirak des braves, des opiniâtres, des fous d’espoir, celui de la multitude longtemps dédaignée, moquée, rabaissée est enraciné pour longtemps en Algérie, malgré vos tribunaux, malgré vos multiples services de sécurité militaires et policiers, malgré même votre allié temporaire surprise, le coronavirus.

Anouar Benmalek
(écrivain, ex-secrétaire général du Comité Algérien Contre la Torture)

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