Anouar Benmalek : « Écrire, c’est penser malgré l’évidence… »
Avec Irina, un opéra russe, paru le 22 août 2025 aux Éditions Emmanuelle Collas, Anouar Benmalek signe une œuvre où la mémoire, la douleur et l’exil s’entrelacent comme des fils invisibles d’une tragédie humaine. À travers Irina et Walid, il explore les tumultes de l’histoire russe et les fragilités de l’existence, où l’amour devient refuge et la fiction, un espace de liberté.
Pour Anouar Benmalek, « écrire, c’est penser malgré l’évidence » : chaque personnage devient miroir de nos propres blessures, chaque phrase tisse un pont fragile entre ce qui fut, ce qui souffre et ce qui persiste. Lire Irina, c’est se confronter à l’épreuve de vivre, sentir battre le pouls du passé et entrevoir, au cœur des douleurs, la lumière fragile de la réconciliation. Dans cet entretien accordé au Matin d’Algérie, l’écrivain revient sur les racines de son œuvre, son rapport à la mémoire et à l’exil, et cette quête de vérité qui traverse toute son écriture.
Le Matin d’Algérie : Votre roman met en scène des trajectoires multiples, marquées par l’exil, la mémoire et la douleur. Comment ces personnages se sont-ils imposés à vous ?
Anouar Benmalek : À mon sens, un roman répond d’abord à une question : que se passerait-il si… C’est la vieille question qui nous taraude tous, à laquelle l’être humain tente de trouver une réponse depuis l’aube de l’humanité. La mémoire et la douleur sont des composantes essentielles de la définition même du fait d’être humain. Sans mémoire, nous ne sommes rien ; sans douleur, il est peu probable de mener une vie digne de l’être, puisque toute vie digne d’être vécue suppose de se colleter avec ce qui l’empêche justement d’être digne. Quant au fait d’être exilé, nous le sommes tous d’une manière ou d’une autre : exilé de son pays dans le sens le plus littéral du terme, exilé de son enfance, exilé d’une époque où l’on a été heureux avec ses parents ou avec des êtres chers. Vivre est une tragédie, qui se termine toujours mal, comme aucun de nous ne l’ignore, malheureusement.
Dans Irina, un opéra russe, j’ai voulu rejouer cette tragédie de vivre avec les ingrédients propres à la Russie que j’ai connue à l’époque où je préparais une thèse de mathématiques. Je suis parti, comme toujours, d’un couple, Irina et Walid, dont l’histoire d’amour va évoluer dans le temps et dans l’espace dans cet immense monde soviétique, en me concentrant plus particulièrement sur sa partie russe. Comme la Russie ne se comprend pas sans un détour par son passé, il m’a fallu introduire un personnage, Vladimir, conçu au départ comme secondaire, mais qui, rapidement, s’est imposé à moi comme une pièce essentielle au cours de la construction du roman.
Le Matin d’Algérie : La transmission intergénérationnelle est au cœur du récit. Est-ce pour vous une manière de lutter contre l’oubli ou le silence imposé ?
Anouar Benmalek : En caricaturant, nous avons généralement une mémoire de moineau en ce qui concerne les grands événements historiques. Leur complexité est, très souvent, galvaudée, donc niée, en transformant le récit de cet événement en une espèce de « pitch » tenant plus du slogan publicitaire que de la vérité historique. Chaque État entend se construire son propre roman national, de préférence héroïque, qu’importe si le résultat ressemble plus souvent à un scénario de film hollywoodien qu’autre chose ! Si l’Histoire, la vraie, ne correspond pas aux desiderata du scénariste en chef du moment, eh bien, on change l’Histoire ! La lutte contre l’oubli ou, pire, la réécriture sans vergogne du passé est sans fin, harassante, un véritable labeur de Sisyphe, dont on ne sort pas vainqueur en règle générale.
Le Matin d’Algérie : Dans vos pages, l’intime croise toujours l’Histoire collective. Comment avez-vous trouvé l’équilibre entre ces deux dimensions sans sacrifier ni l’une ni l’autre ?
Anouar Benmalek : Je respecte infiniment le travail des historiens, mais je n’ai pas vocation à écrire des romans historiques. Ce qui m’intéresse, c’est la réaction individuelle, particulière, de quelqu’un d’ordinaire qui se trouve confronté à l’Histoire avec un grand H (ou, plutôt, avec une grande hache !) Les thèmes de mes livres sont souvent très graves, leur écriture me mobilise pendant de longues périodes et la seule manière pour moi de garder mon énergie littéraire est d’y introduire une histoire d’amour. Mais, somme toute, n’est-ce pas également le but de notre vie : que vaudrait cette dernière si l’amour lui demeurait étranger ?
Le Matin d’Algérie : Peut-on lire votre livre comme une fresque des blessures du siècle, mais aussi comme une tentative de réconciliation ?
Anouar Benmalek : Probablement. Au fond, je suis ce qu’Emile Habibi nommait un « peptimiste », c’est-à-dire un pessimiste qui ne demande qu’à être optimiste. Écrire, c’est penser malgré l’évidence que les deux à trois années passées à s’échiner sur un roman que personne ne vous a demandé peuvent valoir la peine que l’on s’est donnée parce que quelques lecteurs vous diront après la lecture : « Ah, cette Irina, j’en suis presque tombé amoureux ; et ce Vladimir, c’est un véritable salaud, mais, après réflexion, peut-être n’aurais pas été différent de lui, peut-être n’aurais-je pas eu à mon tour le courage d’être héroïque tout le temps ; et cette famine d’une si grande ampleur au Kazakhstan, pourquoi n’en ai-je jamais entendu parler, etc. »
Le Matin d’Algérie : On dit souvent de vos romans qu’ils sont portés par une écriture « incandescente », où la poésie côtoie la violence. Comment parvenez-vous à travailler cette tension dans la langue ?
Anouar Benmalek : J’applique au travail sur mes fictions la réponse de Joe Louis, l’immense boxeur du milieu du siècle dernier, à des journalistes qui lui avaient demandé sa recette pour avoir été aussi longtemps champion du monde toutes catégories : « J’ai fait du mieux que j’ai pu. »
Quant à moi, plus modestement, je me mets réellement à la place de chaque personnage, leur destin devient littéralement le mien et, comme le contexte dans lequel je les plonge est parfois abominablement compliqué, ma réaction et, par conséquent, mon écriture sont pleines de cette tension que nécessite la survie ! Faire de son mieux est la première obligation du romancier s’il entend faire œuvre nouvelle, originale, une obligation artistique et éthique à la limite du commandement religieux. À quoi bon écrire sinon ?
Le Matin d’Algérie : Y a-t-il, derrière cette écriture, un héritage littéraire précis qui vous accompagne encore aujourd’hui ?
Anouar Benmalek : Je suis l’héritier de tous les livres que j’ai lus, des plus médiocres aux plus remarquables. Et j’en ai lu beaucoup, des romans policiers de base aux ouvrages les plus sophistiqués, des comics tellement aimés de mon enfance à la science-fiction la plus échevelée. Et puis la poésie, ah, la poésie…
Le Matin d’Algérie : Votre livre convoque plusieurs temporalités et points de vue. Était-ce une contrainte narrative ou, au contraire, une liberté indispensable ?
Anouar Benmalek : Notre principal ennemi est le temps, cet assassin qui nous pousse sans arrêt dans le dos jusqu’à nous précipiter dans l’abîme à la fin. Qui résisterait à la possibilité magique, si elle lui était accordée, de remonter ce maudit temps afin de changer le passé et de repartir à l’assaut de l’avenir, à nouveau plein d’espoir et d’illusion ? L’auteur que je suis n’y a pas résisté, mais il a introduit dans son roman une contrainte : remonter le temps se paie toujours très cher, car l’univers n’est en rien conçu pour être tendre envers les créatures vivantes.
Le Matin d’Algérie : Quel rôle joue pour vous la fiction dans l’exploration de la mémoire historique ?
Anouar Benmalek : Je suis d’abord romancier, c’est donc le théâtre des sentiments des êtres humains qui est au centre de mon travail : la fiction est donc l’essentiel, la mémoire historique, le décor en quelque sorte où se meuvent mes personnages. J’ai à cœur cependant que cette restauration de la mémoire soit la plus précise possible ; ce scrupule de présenter l’histoire telle qu’elle aurait dû être présentée, de la débarrasser des oripeaux du mensonge, est pour moi la politesse minimale que l’on doit au lecteur.
Le Matin d’Algérie : Votre œuvre est traversée par des préoccupations politiques et morales. Pensez-vous qu’un écrivain puisse rester en retrait des grands drames contemporains ?
Anouar Benmalek : Un écrivain est aussi un citoyen. Mais il ne doit pas mélanger ses deux identités, car les exigences de l’une et de l’autre ne se sont pas interchangeables. D’un autre côté, j’ai toujours tenté autant que faire se peut de remplir mes devoirs de citoyen, en particulier de m’élever contre les trop nombreuses atteintes à la démocratie et à l’État de droit depuis l’indépendance de notre pays. Mais dans ce domaine, on est toujours très loin d’en faire assez, malheureusement.
L’Algérie est un pays « difficile », et les différents pouvoirs qui s’y sont succédé peuvent vous faire payer très cher vos velléités de participation à la vie de la nation…
De plus, la « compréhension » qu’ont les dirigeants de la nécessaire liberté qui accompagne la création est très relative, sinon nulle.
Le Matin d’Algérie : Vous êtes vous-même exilé depuis longtemps. Quelle part de votre expérience personnelle irrigue ce livre ?
Anouar Benmalek : L’exil est formateur, dans le sens qu’il vous apprend à vous départir de vos habitudes de pensée et, partant, de nombre de vos préjugés. L’exil est parfois âpre, sinon douloureux. Mais je sais également que je n’aurai pas pu écrire les livres que j’ai écrits en restant en Algérie. L’accueil qui a été réservé en Algérie, par exemple, à mon roman Ô Maria, avec son cortège d’articles incendiaires et de menaces de mort, m’est resté en travers de la gorge, cette gorge qu’un groupe terroriste se promettait justement de trancher pour crime supposé, et absurde, d’atteinte aux « constantes spirituelles » du pays.
Le Matin d’Algérie : Dans un monde saturé de violence, où les guerres et les exils se multiplient, quel rôle attribuez-vous encore à la littérature ?
Anouar Benmalek : Un écrivain ne doit pas espérer changer le monde, tout au plus, s’il n’est pas trop maladroit, de créer un instant d’échange, parfois précieux, entre lui et une poignée de lecteurs. Si la littérature avait le pouvoir de changer le monde, cela se saurait.
Regardez la pléthore d’écrivains de génie qui ont traversé le vingtième siècle : cela n’a pas empêché ce siècle de subir plusieurs génocides, deux guerres mondiales, la barbarie coloniale sur tous les continents, l’impérialisme arrogant et meurtrier des uns et des autres, etc.
On continuera malgré tout à écrire des romans, des nouvelles, de la poésie parce que, comme le soutient une célèbre maxime, il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer.
Le Matin d’Algérie : Enfin, que diriez-vous aux jeunes lecteurs algériens et francophones qui vous découvrent aujourd’hui avec ce roman ?
Anouar Benmalek : Lisez, et lisez autant que vous pouvez. C’est la meilleure hygiène morale et spirituelle qui soit dans ce monde décérébré par la propagande des chaînes de télévision et la bêtise souvent crasse des réseaux sociaux.
Entretien réalisé par Djamal Guettala
Here is the English translation of the text by an AI. Consequently, contextual inaccuracies or errors in meaning may occur.
Anouar Benmalek: "To write is to think in spite of the obvious…"
By Djamal Guettala Le Matin d'Algérie, Saturday, November 8, 2025
With Irina, a Russian Opera, published on August 22, 2025, by Éditions Emmanuelle Collas, Anouar Benmalek has crafted a work where memory, pain, and exile intertwine like the invisible threads of a human tragedy. Through Irina and Walid, he explores the upheavals of Russian history and the frailties of existence, where love becomes a sanctuary and fiction a space for freedom.
For Anouar Benmalek, "to write is to think in spite of the obvious": every character becomes a mirror of our own wounds, and every sentence weaves a fragile bridge between what was, what suffers, and what persists. To read Irina is to confront the trial of living, to feel the pulse of the past beating, and to glimpse, at the heart of sorrow, the fragile light of reconciliation. In this interview granted to Le Matin d’Algérie, the writer reflects on the roots of his work, his relationship with memory and exile, and the quest for truth that runs through all his writing.
Le Matin d’Algérie: Your novel portrays multiple trajectories marked by exile, memory, and pain. How did these characters impose themselves upon you?
Anouar Benmalek: In my view, a novel primarily answers a question: what would happen if… It is the age-old question that haunts us all, and to which human beings have sought an answer since the dawn of time. Memory and pain are essential components of the very definition of being human. Without memory, we are nothing; without pain, it is unlikely one could lead a life worthy of the name, for any life worth living presupposes a struggle with the very things that threaten its dignity. As for being an exile, we are all exiles in one way or another: exiled from one’s country in the most literal sense, exiled from childhood, or exiled from an era when we were happy with our parents or loved ones. Living is a tragedy that always ends poorly—as none of us, unfortunately, are unaware.
In Irina, a Russian Opera, I wanted to restage this tragedy of living using the ingredients specific to the Russia I knew back when I was preparing a doctoral thesis in mathematics. I started, as I always do, with a couple—Irina and Walid—whose love story evolves through time and space within that immense Soviet world, focusing particularly on its Russian heart. Since Russia cannot be understood without a detour through its past, I had to introduce a character named Vladimir. Conceived initially as secondary, he quickly imposed himself upon me as an essential piece in the construction of the novel.
Le Matin d’Algérie: Intergenerational transmission is at the heart of the narrative. Is this, for you, a way to fight against oblivion or imposed silence?
Anouar Benmalek: To put it bluntly, we generally have the memory of a sparrow when it comes to major historical events. Their complexity is very often cheapened—and thus denied—by transforming the account of an event into a kind of "pitch," closer to an advertising slogan than historical truth. Every State intends to build its own national myth, preferably a heroic one; it matters little if the result looks more like a Hollywood film script than anything else! If history—the real history—does not match the desiderata of the chief scriptwriter of the moment, well, they simply change history! The struggle against oblivion, or worse, the shameless rewriting of the past, is endless and exhausting—a true labor of Sisyphus from which one rarely emerges victorious.
Le Matin d’Algérie: In your pages, the intimate always intersects with collective history. How did you find the balance between these two dimensions without sacrificing either?
Anouar Benmalek: I have infinite respect for the work of historians, but I have no vocation for writing historical novels. What interests me is the individual, particular reaction of an ordinary person confronted with History with a capital H (or rather, with a great hatchet!). The themes of my books are often very grave; the writing occupies me for long periods, and the only way for me to sustain my literary energy is to introduce a love story. But, after all, is that not also the goal of our lives? What would life be worth if love remained a stranger to it?
Le Matin d’Algérie: Can we read your book as a fresco of the century’s wounds, but also as an attempt at reconciliation?
Anouar Benmalek: Probably. Deep down, I am what Emile Habibi called a "peptimist"—that is, a pessimist who only asks to be an optimist. To write is to think, despite the obvious, that the two or three years spent toiling over a novel no one asked for might be worth the effort, because a few readers will tell you after reading: "Ah, that Irina, I almost fell in love with her; and that Vladimir, he is a true scoundrel, but on reflection, perhaps I wouldn’t have been any different; and this vast famine in Kazakhstan, why had I never heard of it?"
Le Matin d’Algérie: It is often said that your novels are carried by an "incandescent" style, where poetry sits alongside violence. How do you manage this tension within the language?
Anouar Benmalek: I apply to the work on my fiction the response given by Joe Louis, the great boxer, when journalists asked for his secret to remaining world champion for so long: "I did the best I could."
As for me, more modestly, I truly put myself in the place of each character; their fate literally becomes mine. Since the context into which I plunge them is sometimes abominably complicated, my reaction—and consequently my writing—is filled with the tension that survival demands! Doing one’s best is the primary obligation of the novelist if he intends to create something new and original—an artistic and ethical obligation bordering on a religious commandment. Why write otherwise?
Le Matin d’Algérie: Is there, behind this writing, a specific literary heritage that accompanies you today?
Anouar Benmalek: I am the heir to all the books I have read, from the most mediocre to the most remarkable. And I have read many: from basic detective novels to the most sophisticated works, from the comics I loved in my childhood to the most wild science fiction. And then there is poetry—ah, poetry…
Le Matin d’Algérie: Your book summons several timelines and points of view. Was this a narrative constraint or an indispensable freedom?
Anouar Benmalek: Our primary enemy is time—that assassin who constantly pushes us from behind until we are hurled into the abyss at the end. Who could resist the magical possibility, were it granted, to wind back this cursed time to change the past and charge toward the future once more, full of hope and illusion? The author in me did not resist it, but I introduced a constraint into the novel: turning back time always comes at a high price, for the universe was in no way designed to be tender toward living creatures.
Le Matin d’Algérie: What role does fiction play for you in exploring historical memory?
Anouar Benmalek: I am first and foremost a novelist; thus, the theater of human emotions is at the center of my work. Fiction is the essential part; historical memory is, in a way, the stage upon which my characters move. I am committed, however, to making this restoration of memory as precise as possible. This scrupulousness in presenting history as it should have been presented—stripping it of the rags of lies—is, for me, the minimal politeness owed to the reader.
Le Matin d’Algérie: Your work is shot through with political and moral concerns. Do you believe a writer can remain detached from the great contemporary dramas?
Anouar Benmalek: A writer is also a citizen. But he must not confuse his two identities, for the requirements of one are not interchangeable with the other. On the other hand, I have always attempted as far as possible to fulfill my duties as a citizen, particularly by speaking out against the all too many attacks on democracy and the rule of law since our country’s independence. But in this area, one is always far from doing enough, unfortunately.
Algeria is a "difficult" country, and the various powers that have succeeded one another can make you pay a high price for any desire to participate in the nation’s life… Furthermore, the "understanding" that leaders have of the necessary freedom that accompanies creation is very limited, if not non-existent.
Le Matin d’Algérie: You have been an exile yourself for a long time. What part of your personal experience feeds into this book?
Anouar Benmalek: Exile is formative, in the sense that it teaches you to shed your habits of thought and, consequently, many of your prejudices. Exile is sometimes bitter, if not painful. But I also know that I could not have written the books I have written had I remained in Algeria. The reception given to my novel O Maria in Algeria, with its flurry of incendiary articles and death threats, has remained stuck in my throat—that very throat that a terrorist group promised to slit for the supposed, and absurd, crime of undermining the "spiritual constants" of the country.
Le Matin d’Algérie: In a world saturated with violence, where wars and exiles are multiplying, what role do you still attribute to literature?
Anouar Benmalek: A writer must not hope to change the world; at most, if he is not too clumsy, he may create a moment of exchange—sometimes a precious one—between himself and a handful of readers. If literature had the power to change the world, we would know it by now.
Look at the plethora of genius writers who traversed the twentieth century: it did not prevent that century from enduring several genocides, two world wars, colonial barbarity on every continent, and the arrogant, murderous imperialism of various powers. We will continue to write novels, short stories, and poetry regardless, because, as a famous maxim holds: it is not necessary to hope in order to undertake, nor to succeed in order to persevere.
Le Matin d’Algérie: Finally, what would you say to the young Algerian and Francophone readers discovering you today through this novel?
Anouar Benmalek: Read, and read as much as you can. It is the best moral and spiritual hygiene there is in this world, which has been decerebrated by the propaganda of television channels and the often crass stupidity of social networks.

